Un Agronome du siècle des lumières : l’abbé ROZIER (1734-1793)

Page donné à titre informatif, réalisé à partir d'un article de KROGMANN V. et JAUSSAUD P., publié dans la Revue de Médecine Vétérinaire, 1996, 147, 7, pages 493-496 (avec leur aimable autorisation). Ce texte présente une vue très générale de Rozier mais il ignore totalement la bibliographie récente et large sur l'activité  fondamentale de Rozier comme rédacteur des "Observations".
 

Jean-Baptiste François ROZIER naquit à Lyon, le 23 Janvier 1734, dans la paroisse Saint-Nizier. Après des études classiques au collège de Villefranche, il entra au séminaire de Saint-Irénée à Lyon où, s’il ne devint pas un grand théologien, il put approfondir son éducation scientifique. ROZIER, une fois ordonné prêtre, alla passer un doctorat à Valence.

En 1757, il refusa la proposition de ses anciens maîtres de les rejoindre au séminaire, et décida de se consacrer à l’étude. ROZIER se rendit à Lyon, où il fréquenta les réunions savantes, les bibliothèques, ainsi que les cabinets de physique et d’histoire naturelle. Il monta d’ailleurs son propre laboratoire en compagnie de sa soeur, ce qui eut tôt fait d’absorber le peu de biens qu’ils possédaient. Heureusement, le frère aîné de notre abbé le sortit de ce mauvais pas, en lui confiant la gestion du domaine (familial) de Sainte Colombe-les-Viennes (et de Saint-Cyr-sur-le-Rhône, 2 communes en face de Vienne au sud de Lyon NDRL)

ROZIER disposait désormais d’un véritable laboratoire naturel, où il allait pouvoir expérimenter ses théories agronomiques. L’abbé, pour se reposer de ses travaux, partait " herboriser " avec ses amis ; le médecin-botaniste GILIBERT, le botaniste CLARET de la TOURETTE et le chirurgien BERT. A l’affût des mouvements intellectuels de son temps, il se fit recevoir franc-maçon à la Loge des Vrais Amis, et noua des relations avec la plupart des savants de l’époque. Il est fort probable que c’est durant cette période qu’on lui présenta BOURGELAT, alors écuyer tenant l’Académie d’Equitation à Lyon. Celui-ci dut l’entretenir de son projet d’Ecole Vétérinaire, dont ROZIER voulut faire partie (Roux 1943).

Notre héros quitta donc Sainte Colombe en 1761, afin de rejoindre BOURGELAT. Il fut d’emblée Professeur de l’Ecole de Lyon. En collaboration avec CLARET de la TOURETTE, ROZIER transforma le potager du Logis de l’Abondance - où était alors installée l’Ecole Vétérinaire - en un jardin botanique de 4000 mètres carrés, ce qui lui valut une réputation flatteuse. Le jardin recelait un grand nombre de végétaux classés et étiquetés, ainsi qu’une serre à orangers et de nombreuses plantes ornementales. Seul lieu du genre dans la région, il était régulièrement visité par des botanistes, des agronomes, des médecins ou des apothicaires :

" Le jardin botanique, fort bien soigné par l’abbé ROZIER, était une des curiosités que la ville de Lyon pouvait offrir aux étrangers ".(Arloing 1889).

A l’Ecole Vétérinaire, ROZIER fut d’abord chargé de l’enseignement de la botanique et de la matière médicale.
Puis en 1765, il fut nommé directeur de l'enseignement de l'établissement, à la suite du départ de BOURGELAT pour Maisons-Alfort (Dissard 1987).

Divergences d’opinions, rivalité d’auteurs, toutes ces raisons incitèrent BOURGELAT à éloigner l’abbé. Il y parvint en 1769 ; date à laquelle le Ministre BERTIN signa une lettre de cachet destituant ROZIER (Bost 1992).

Il publia (alors), pour ses anciens élèves ses Démonstrations élémentaires de botanique.

ROZIER retourna à Sainte Colombe où il eut souvent J.J. ROUSSEAU comme compagnon. Il gagna des prix, mis en jeux par les Sociétés d’Agriculture de Limoges et de Marseille. La réputation du savant grandit : on l’associa à l’Académie de Lyon, puis on le nomma chevalier de l’Eglise de cette ville en 1770.

ROZIER s’installa à Paris en 1771, et acheta le Journal de Physique dont la publication était interrompue. La nouvelle revue parut en Juillet 1771, sous le titre d’observations sur la Physique, l’Histoire naturelle et sur les Arts et Métiers. L’abbé la dirigea pendant 10 ans, s’employant à réunir des scientifiques de tous les pays. Son cabinet devint de ce fait l’un des rendez-vous de l’Europe savante.

Ses activités l’ayant fait remarquer de TURGOT, ROZIER partit en mission en 1775 dans les Alpes, en Provence et en Corse, afin d’étudier les productions locales. Il revint chargé de mémoires, de cartes, ainsi que d’un journal. En 1777, accompagné du géologue DESMARETS, il visita la Hollande où il s’intéressa aux moulins à vent.

ROZIER devint ensuite prieur à Nanteil-le-Haudouin, avant de s’installer dans un domaine près de Béziers : c’est là qu’il composa son monumental Cours complet d’agriculture, dont les neuf premiers volumes furent rédigés de sa plume.

En 1787, de retour dans la capitale des Gaules (Lyon), l’abbé fut nommé Chanoine d’honneur de St Paul, puis membre de l’Assemblée provinciale de la Généralité de Lyon. Par la suite, il ouvrit à Vaise (quartier de Lyon) une Ecole pratique d’agriculture, qui a fonctionné fort bien pendant cinq ans (Roux 1943).

Vinrent 1789 et la Révolution. L’abbé ROZIER assista avec ferveur à des évènements qu’il appelait de ses voeux depuis longtemps.

On créa en 1792, à l’attention du savant, une chaire d’agriculture à l’Institut du collège de la Trinité. Déçu cependant par le chemin de terreur que suivait la Révolution, ROZIER quitta la vie publique afin de se retirer chez lui et de rédiger ses ouvrages.

Lors de la guerre civile et du siège de Lyon en 1793. On lui confia la paroisse populeuse de St Polycarpe.

Dans la nuit du 28 au 29 Août 1793, alors que la ville de Lyon était assiégée par les troupes de la Commune, un boulet de canon creva le toit de l’Oratoire et tua le savant dans la mansarde où il dormait. Son corps, découvert trois jours plus tard, fut inhumé avec ceux de mille autres victimes dans les caveaux de l’Eglise St Polycarpe.

A cet homme d’une grande culture, qualifié de " Columelle français " un buste fut élevé au parc de la Tête d’Or (Ball 1934).

Buste de l'Abbé Rozier - Parc de la Tête d'Or, Lyon

L’abbé ROZIER publia beaucoup de son vivant, et une partie de son oeuvre, dont l’inventaire suit, fut éditée à titre posthume (Dissard 1987, Mennessier de la lange 1915, Roux 1943):

-Démonstrations élémentaires de botanique, suivies d’une instruction sur la récolte et la dessiccation des plantes, en 1766.

-Observations sur la Physique, sur l’Histoire Naturelle, et sur les Arts, de 1771 à 1781.

-Sur la manière de brûler ou de distiller les vins la plus avantageuse relativement à la quantité de l’eau-de-vie et à l’épargne des frais, en 1770.

-Sur la meilleure manière de faire et de gouverner les vins de l’Ancienne Provence, soit pour l’usage, soit pour leur faire passer les mers, en 1772.

-Traité de la meilleure manière de cultiver la navette et le colza, et d’en extraire une huile dépouillée de son mauvais goût et de son odeur désagréable, en 1774.

-Vues économiques sur les moulins et pressoirs à huile d’olive, en 1777.

-Manuel du jardinier, mise en pratique pour chaque mois de l’année, publié à titre posthume en 1795.

-Cours complet d’Agriculture théorique, pratique, économique et de Médecine rurale et vétérinaire, suivi d’une méthode pour étudier l’Agriculture par principe ou dictionnaire universel d’agriculture, publié à titre posthume en 1796 (9 tomes rédigés par ROZIER, les trois autres écrits par ses collaborateurs après sa mort).

-Traité théorique et pratique sur la culture de la vigne, avec l’Art de faire le vin, les eaux-de-vie, en 1801.

-Abrégé du traité théorique et pratique sur la culture de la vigne, avec l'Art de faire le vin, les eaux-de-vie, en 1805.
 
 

BIBLIOGRAPHIE :

- ARLOING (S) : Le berceau de l'enseignement vétérinaire - Création et évolution de l'Ecole nationale vétérinaire de Lyon, 148 pages, Pitrat aîné Editeur, Lyon 1889.

- BALL (V.) : l’Ecole nationale vétérinaire de Lyon. Cah. Méd. Vét., 1934,4, 29-59.

- BOST (J.) : Lyon, berceau des sciences vétérinires, 159 pages, Editions Lyonnaises d'Art et d'Histoire Editeurs, Lyon, 1992.

- DISSARD (F.) : L’Abbé Rozier, second directeur de l’Ecole nationale vétérinaire de Lyon (1765-1769), 172 pages, Thèse de Doctorat vétérinaire, Lyon, 1987.

- MENNESSSIER DE LA LANCE (G.) : Essai de bibliographie hippique, 1496 pages, Dorbon Editeur, Paris, 1915.

- ROUX (L.) : Essai sur la vie et les oeuvres de l’Abbé Rozier, le Columette français, 32 pages, Thèse de Doctorat vétérinaire, Lyon, 1943.


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