Problèmes liés à l'utilisation des farines animales

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du cours : farines animales
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Pendant plusieurs dizaines d'années, l'utilisation de farines animales en alimentation animale n'a posé aucun problème conséquent. Leur implication dans "l'épidémie" d'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (maladie de la "vache folle") a conduit à une très forte restriction d'utilisation dans l'Union Européenne pour l'alimentation des animaux de production.

Le problème majeur de l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB)

L'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB en français, BSE pour Bovine spongiform encephalopathy) est une pathologie nerveuse transmissible des bovins. C'est une maladie neurodégénérative évolutive qui appartient au groupe des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST) c'est-à-dire :

- Kuru, maladie de Creutzfeldt-Jakob, syndrome de Gerstmann-Stäussler-Scheinker, insomnie fatale familiale chez l'homme
- ESB chez les bovins
- tremblante chez le mouton et la chèvre
- FSE (Feline Spongiform Encephalopathy) chez les chats du Royaume-Uni
- TME (Transmissible Mink Encephalopathy) chez le vison
- CWD (Chronic Wasting Disease) chez les élans, cerfs et daims aux Etts-Unis (Wyoming, Colorado)
Comme toutes les ESST, l'ESB est une maladie à évolution lente (6 à 8 semaines en moyenne, de 7 jours à plusieurs mois), sans rémission et à l'issue toujours fatale. Les symptômes (troubles du comportement puis troubles locomoteurs avec en particulier ataxie au niveau du train postérieur) sont liés à une altération du système nerveux central (cerveau). La période d'incubation est très longue (moyenne 5 ans) et asymptômatique.

La nature de l'agent pathogène responsable n'est pas élucidée, on parle d'Agent Transmissible Non Conventionnel (ATNC). Une protéine modifiée (PrP) dite PRION, dont l'accumulation sous une forme anormale est systématique lors de la maladie, est parfois évoqué comme agent infectieux (hypothèse "prion"). Certaines hypothèses (bactéries des égouts, manipulations génétiques...) sont parfois avancées en tant qu'agent responsable de la maladie.

La maladie apparaît pour la première fois en Grande-Bretagne en 1985 (diagnostic confirmé après examen de cerveau en 1986). En 2003, elle a atteint plus de 183 200 bovins au Royaume-Uni. En France, environ 890 cas ont été dépistés déc. 2003). 

La plupart des pays d'Europe semble affectés : Grande-Bretagne, Irlande, Portugal, Guernsey, Suisse, Allemagne, Espagne, Jersey, Belgique, Italie, Pays-Bas, Danemark, Slovaquie, Pologne, République Tchèque, Slovénie, Luxembourg, Lichtenstein, Grèce, Autriche, Finlande.
Des cas d'ESB ont également été trouvé dans d'autres pays à travers le monde (Japon, Oman, Israël, Canada, ...).
Le site l'OIE


La gravité exceptionnelle de cette maladie est due au fait qu'elle est transmissible à l'homme, chez qui elle provoque une ESST, une nouvelle forme de maladie de Creutzfeldt-Jakob dite nouveau variant (nvMCJ ou vMCJ).

L'ESB est également transmissible (dans des conditions naturelles) au chat (FSE) et à des félidés sauvages (guépards de zoos de Grande-Bretagne et de France, lions, ocelots, tigres, pumas de zoos de Grande-Bretagne), ainsi qu'à des ruminants sauvages (koudou et nyala d'un zoo de Grande-Bretagne). Le premier cas de "chat fou" (FSE) a été annoncé en 1990.

Des enquêtes épidémiologiques conduites en Grande-Bretagne aboutissent à la conclusion que la transmission de l'agent de l'ESB s'effectue par l'ingestion de farines de viande et d'os (en particulier celles qui contiennent des protéines de bovins).
(remarque : à notre connaissance, aucune reproduction expérimentale de la maladie n'a été réalisée sur des ruminants à partir de farines de viande osseuses distribuées per os).

La contamination initiale des bovins de l'Union Européenne hors de la Grande-Bretagne est due à l'utilisation de farines de viandes anglaises. Ensuite l'agent infectieux semble avoir été recyclé dans les productions nationales de farines animales. L'usage des farines de viande pour l'alimentation des bovins a été interdit, en Grande-Bretagne ,à partir de juillet 1988. Cette interdiction a fait que les surplus de farines de viande anglaises se sont retrouvées sur le marché international à des prix très faibles. Comme ces farines de viande restaient autorisées pour les autres espèces, le gouvernement anglais n'a pas jugé utile d'interdire les exportations. Les importateurs européens (notamment français) ont profité de ces prix bas pour augmenter les volumes de farines importées (ainsi que leurs bénéfices). Ce n'est que en février 1990 que le gouvernement du Royaume-Uni prévient les pays acheteurs (dont la France) de la dangerosité de ces farines animales. Le 24 juillet 1990 (arrêté), le gouvernement français prend les premières mesures législatives pour interdire l'utilisation des farines animales pour l'alimentation des bovins.
 
En France, bien que les premières interdictions d'utiliser les FVO chez les bovins datent de 1990, des "données de l'épidémiosurveillance révèlent a posteriori que les bovins ont dû être soumis à une forte pression de contamination par l'alimentation animale, notamment en 1993, 1994 et 1995." Rapport de l'AFSSA du 7 avril 2001. Deux hypothèses sont proposées :
  - contamination liée à l'utilisation dans les aliments pour bovins, d'un dérivé d'origine animale autorisé mais qui présentait un risque au regard de l'ESB.
  - des contaminations croisées :
        - consommation d'aliments non destinés aux bovins
        - contamination d'aliments bovins par des restes d'aliments destinés à des monogastriques et qui contenaient des farines animales (recyclage de restes d'aliments destinés au porc ou aux volailles en les faisant entrer dans la composition d'aliments bovins, fabrication successives sur les mêmes chaînes avec des grandes difficultés d'effectuer des nettoyages complets notamment des filières...)

histogramme de l'évolution du nombre de cas d'ESB en France

L'origine de l'agent infectieux dans les farines de viande n'est pas connue. L'hypothèse la plus probable est qu'un agent d'origine bovine a été recyclé par les farines de viande. Cet agent pourrait être apparu suite à une mutation intervenue dans le cerveau d'une vache du sud-ouest de l'Angleterre (hypothèse d'une maladie entièrement nouvelle - rapport de Lords Phillips). L'hypothèse du passage de l'agent de la tremblante du mouton aux bovins via les farines animales a été avancée mais ne semble pas privilégiée par les anglais. D'autres hypothèses sur l'origine de l'agent (animaux sauvages, en particulier antilopes africaines importés et morts au Royaume-Uni, origine extra-terrestre!!!) ont été proposées.

De la même façon, la ou les modifications du procédé de fabrication des farines de viande anglaises qui a permis le recyclage de l'agent de l'ESB à partir des années 1980 n'est pas connu. Plusieurs modifications sont avancées : passage à une procédé de cuisson en continu, diminution de la température de cuisson, abandon de dégraissage par solvant...
Compte rendu de la conférence de Dominique DORMONT, le Dimanche 12 Mars 2000
Le Rapport MATTEI 1997
La vache folle en ligne
La page d'information du Ministère de l'Agriculture français

Les dioxines

Dans les farines de viande : l'affaire de la dioxine belge de 1999
En 1999, des dioxines et des PCB sont retrouvés dans des viandes (essentiellement de poulets et des porcs belges) ce qui aboutit au retrait de la consommation et à la destruction d'une partie de la production de viande belge et du nord de la France. L'origine de ces dioxine était alimentaire. Des aliments fabriqués en Belgique avaient été fabriqués avec des farines animales contaminées par des dioxines. Des huiles de vidanges (fortement chargées en produits toxiques) avaient frauduleusement été mélangées avec des huiles végétales (huile de friture) et des graisses animales. Ces matières grasses ont été utilisées dans une usine de fabrication de farines animales. La présence de dioxines dans des farines animales est donc le résultat d'un acte malhonnête (qui aurait pu affecter une autre matière première) et d'un manque de contrôle des matières premières dans certaines usines de fabrication des aliments pour animaux.
Dans les farines de poissons
Les taux de dioxines dans les farines et huiles de poissons d'origine européenne sont préoccupants.
Des effets cliniques, chez les animaux d'élevages qui consomment des aliments contenant ces farines, ne sont pas constatés mais ces toxiques sont biocumulatifs. Ils vont se concentrer tout au long de la chaîne alimentaire au bout de laquelle se trouve l'homme.
Les dioxines et les PCB étaient autrefois utilisés dans les peintures, le plastique, les encres, les transformateurs électriques... Ces toxiques se sont répandus et accumulés dans l'environnement par suite de rejets non réglementés. Les poissons de hautes mer péchés pour la fabrication de farines de poissons sont contaminés et contaminent à leur tour les animaux d'élevages nourris avec des aliments contenants des farines de poissons comme les saumons par exemple.

Les contaminations microbiologiques

Compte tenu de la nature périssable des matières premières, les farines de viande ou de poissons peuvent véhiculer des germes pathogènes. Des contaminations par :

- des salmonelles
- des bacilles du rouget
- du charbon bactéridien...
ont été montrées. L'arrêté du 30 décembre 1991 (annexe II) précise les caractéristiques microbiologiques auxquelles doivent répondre les farines animales à la sortie de l'usine de fabrication :
- maximum de 300 entérobactéries par gramme
- absence de salmonelles
- absence de spores de bactéries pathogènes thermorésistantes (Clostridium perfringens)
Pour plus de détails voir le texte de l'arrêté du 30 décembre 1991.
Les industriels mettent en oeuvre des barèmes de température qui permettent d'atteindre ces résultats. Des problèmes peuvent survenir lors de recontamination des farines au cours du stockage ou avec des farines animales d'importation. L'un des derniers problèmes microbiologiques publié dû à des farines animales remonte à 1967-68. Il s'agit d'une épidémie de charbon bactéridien survenue dans l'Ain à partir d'une farine d'os importée.

L'affaire des boues de stations d'épuration

En 1999, une campagne médiatique accuse les farines animales françaises de contenir des boues de stations d'épuration. Après enquête (rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire de la Commission Européenne du 22 octobre 1999), il s'avère qu'il s'agit des boues provenant des installations internes aux usines qui traitent les eaux (très chargées en matières organiques) de condensation des vapeurs issues de la cuisson des matières premières (viandes). Ces boues sont recyclées dans les farines animales. Ce recyclage était connu et autorisé par les autorités (arrêtés préfectoraux, attestations des services vétérinaires...).

Néanmoins, dans quelques usines, les eaux de lavages des locaux et les eaux des toilettes du personnel sont traitées dans les mêmes installations que les eaux de condensation. Entre autres problèmes, cela pouvait conduire à la présence de résidus de produits de lavage dans les farines animales. Le recyclage des boues des stations d'épuration n'est plus autorisé en France depuis 1998.

La qualité biochimique des farines animales

Les farines de viande peuvent contenir des amines toxiques qui apparaissent au cours de la putréfaction des matières premières, telles que :

- histamine
- putrescine
- cadavérine
L'interdiction de l'utilisation des cadavres pour la fabrication des farines animales entraîne la disparition des problèmes liés à la présence de ces amines

Les lipides des farines de poissons renferment des acides gras longs polyinsaturés (en C20, C22). Normalement, ces acides gras ne sont pas présents dans les graisses des mammifères. Si ils sont présents en grandes quantités, ils peuvent se déposer dans les graisses de réserve des animaux de production ce qui provoque des graisses molles. Ces acides gras peuvent aussi conférer un goût de poisson aux viandes et aux oeufs.

Les acides gras polyinsaturés des graisses s'oxydent très facilement, ce qui provoque l'apparition de peroxydes toxiques. C'est pourquoi, les farines animales doivent être utilisées fraîches (très rapidement après fabrication) ou dégraissées, éventuellement additionnées d'antioxydants.
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