Ciguë tachetée (Conium maculatum L.)
APIACEES
Noms vernaculaires [2, 8, 24, 27, 33] :
Ciguë tachée, ciguë officinale, ciguë des officines, ciguë de Socrate,
ciguë des anciens, ciguë commune, grande ciguë, vicaire, mort aux oies.
Nom anglais : hemlock, poison hemlock, spotted hemlock, European
hemlock.
Description botanique [2, 8, 11, 16, 18, 24, 27, 36] :
La ciguë tachetée est une plante bisannuelle ou vivace, à racine pivotante, atteignant
80 à 250 cm de hauteur. Les tiges, les feuilles et les racines dégagent une odeur vireuse d’urine
de souris lorsqu’on les froisse.
La tige est robuste, glabre, dressée, striée, creuse, bleuâtre et teintée de rougeviolacé
vers la base.
Les feuilles, vert vif, assez douces, alternes, sont grandes pour celles de la base et
petites pour les supérieures. Elles sont divisées trois à cinq fois et possèdent
de nombreux petits segments lancéolés à elliptiques et dentelés.
Les fleurs blanches mesurent 5 mm de diamètre et possèdent cinq pétales égaux,
échancrés à leur sommet. Elles sont regroupées sur des ombelles de dix à vingt
rayons inégaux portant des ombellules. L’involucre possède trois à cinq
bractées courtes et réfléchies.
Le fruit est un diakène ovoïde glabre à côtes ondulées, mesurant 2,5 à 3,5 mm de long.
Biotope [2, 11, 16, 18, 24, 36] :
La ciguë tachetée est assez commune en France mais manque localement (en particulier
en Auvergne, dans le Sud-Est et la région méditerranéenne). Elle peuple les zones
humides dans les champs, les haies, la lisière des forêts et le bord des chemins, des routes ou
des fossés. Elle affectionne les sols fertiles, calcaires ou argileux.
Période de floraison [11, 18, 36] :
La ciguë tachetée fleurit de juin à août.
Parties toxiques de la plante [2, 11, 24, 27] :
Toute la plante est toxique, surtout avant la maturité des fruits. Les fruits sont plus riches
que les feuilles en alcaloïdes.
La toxicité de cette plante varie donc selon son stade de maturation (elle diminue
après la fructification). De plus, elle est moins toxique lors de sa première année de
développement. La deuxième année, elle peut contenir environ 1% d’alcaloïdes. La teneur en alcaloïdes
de la plante dépend également de la saison, de l’origine géographique, des variations climatiques et du
nycthémère. Ainsi, elle semble plus élevée après une période ensoleillée qu’après une période pluvieuse.
La plante séchée perd peu à peu ses alcaloïdes mais les fourrages fraîchement préparés contiennent
encore plus de 1900 ppm d’alcaloïdes.
Principes toxiques [2, 11, 16, 24, 27, 31] :
La ciguë tachetée contient des alcaloïdes volatils (alcaloïdes pipéridiniques) :
- Coniine (ou conine, ou conicine ou cicutine) qui prédomine largement dans les fruits
mûrs
- γ-conicéine, qui est majoritaire dans les parties végétatives
- N-méthyl coniine
- Conhydrine
- Pseudo-conhydrine.
La teneur en coniine et en N-méthyl coniine de la ciguë a tendance à augmenter dans
les fleurs et les fruits alors que celle de la γ-conicéine a plutôt tendance à diminuer au cours
du développement de la plante.
Mode d’action [2, 11, 16, 27] :
Les alcaloïdes de la ciguë ont une action nicotine-like sur les ganglions du système
nerveux autonome et les terminaisons des nerfs sensitifs (stimulation puis dépression).
Ils ont également des effets curarisants qui entraînent la paralysie des muscles striés à
forte dose. Ils possèdent également un pouvoir tératogène (coniine, γ-conicéine).
Dose toxique [2, 11, 24, 27, 33] :
La sensibilité des ruminants à la coniine per os est variable. Ainsi, une symptomatologie
sévère est induite avec 3,3 mg/kg de coniine per os chez les bovins alors que 44 mg/kg
n’induisent qu’une intoxication modérée chez les ovins.
La dose létale est de :
- 2 à 5 kg de feuilles fraîches par bovin adulte
- 0,8 kg de feuilles fraîches par ovin adulte.
Circonstances d’intoxication [2, 11, 16, 24, 27] :
Les appels concernant la grande ciguë représentent 0,8% des appels de toxicologie
végétale au CNITV pour les ruminants (1% des appels pour les bovins, 0,3% pour les ovins et
0,4% pour les caprins).
Graph.19. Répartition des appels concernant la ciguë tachetée par espèce (données du CNITV : 30
appels)
Cette intoxication concerne les vaches, les moutons et les chèvres. Sur les 30 appels au CNITV
concernant la ciguë tachetée chez les ruminants, 86% impliquent les bovins et seulement 7% impliquent
les ovins ou les caprins. La sensibilité des ruminants aux alcaloïdes de la grande ciguë est variable :
les bovins sont plus sensibles que les ovins et les caprins.
La toxicité de cette plante est connue et les intoxications sont rares. La plante
fraîche est peu appétente du fait de son odeur vireuse. Les intoxications semblent
plus fréquentes au printemps lorsqu’il y a encore peu d’herbe. Elles interviennent par consommation
de la plante fraîche ou de fourrage contaminé fraîchement préparé.
Graph.20. Répartition annuelle des appels concernant la ciguë tachetée (données du CNITV : 30 appels)
Les appels au CNITV concernant la ciguë tachetée sont répartis d’avril à novembre
(soit pendant toute la période de développement de la plante), avec un maximum en juillet
durant la période de floraison de la plante.
Signes cliniques [2, 11, 16, 24, 27, 33] :
Les signes cliniques apparaissent une demi-heure à une heure après ingestion :
- Signes généraux : faiblesse musculaire entraînant un décubitus, chute de la
production lactée, excitation puis dépression
- Signes digestifs : soif intense, ptyalisme, constipation chez les bovins, diarrhée
verdâtre et parfois sanguinolente chez les caprins, augmentation de la fréquence
des défécations, tympanisme, météorisation, douleur abdominale
- Signes nerveux : ataxie, trémulations musculaires, paraplégie puis paralysie
motrice ascendante complète
- Signes cardio-vasculaires : pouls rapide et filant, muqueuses cyanosées
- Signes respiratoires : respiration difficile et saccadée, bradypnée ou tachypnée
- Signes oculaires : mydriase, épiphora, exophtalmie
- Signes urinaires : émission fréquente d’urine
- Troubles de la reproduction : malformations congénitales (surtout articulaires :
scoliose, arthrogrypose, etc.). Les malformations congénitales ne
sont induites qu’après une consommation répétée de la plante entre le 40ième et le
75ième jour de gestation chez la vache.
Graph.21. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant la ciguë tachetée
(n=30)
Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés lors des appels au CNITV
concernant la ciguë tachetée sont des signes généraux (décubitus dans 16,7% des cas et
hypothermie dans 13,3% des cas), des signes digestifs (diarrhée dans 23,3% des cas et
hypersalivation dans 10% des cas) et des signes nerveux (ataxie dans 13,3% des cas et
parésie dans 10% des cas).
Evolution [11, 16, 24, 27] :
La mort est consécutive à la paralysie respiratoire et n’est pas précédée de convulsions. Elle survient
en quelques minutes à quelques heures.
Lésions [2, 11, 24, 27] :
Les lésions ne sont pas spécifiques, on note :
- Une congestion pulmonaire et intestinale
- De petites hémorragies
- Une odeur fétide de l’urine et du contenu ruminal
- Une péricardite avec liquide de couleur claire chez les caprins
- Des déformations osseuses.
Diagnostic différentiel [2] :
Il comprendra les affections et les intoxications responsables de signes digestifs et
nerveux. Concernant les effets tératogènes, le diagnostic différentiel devra se faire entre
l’intoxication par la ciguë tachetée, les lupins et le tabac (Nicotiana sp.).
Diagnostic expérimental [11] :
On peut procéder à l’identification macroscopique ou microscopique des débris
végétaux présents dans le contenu ruminal. Il est également possible de doser les alcaloïdes
par chromatographie en phase gazeuse ou par chromatographie sur couche mince. L’odeur
d’urine de souris de la plante est par ailleurs perceptible dans l’urine ou le contenu ruminal des
animaux intoxiqués.
Traitement [2, 16, 24, 27, 33] :
Il est conseillé de pratiquer une ruminotomie dans les plus brefs délais.
Le traitement médical est le plus souvent illusoire mais on peut employer :
- Charbon végétal activé
- Purgatif salin : sulfate de soude
- Analeptiques cardio-respiratoires : doxapram, heptaminol
- Toniques généraux
- Tanins ou solutions iodurées per os
- Atropine. On peut l’utiliser si les troubles parasympathiques sont sévères. Elle est par contre
à éviter si les signes digestifs ne sont pas marqués car elle ralentit le transit et favorise alors
l’absorption des principes toxiques.
Pronostic [24] :
Le pronostic est toujours réservé et cette intoxication est grave, néanmoins, les
animaux sont moins sensibles que l’homme.
D’après les données du CNITV, le taux de morbidité est de 35% chez les bovins (pour
112 bovins exposés), 31% chez les ovins (pour 101 ovins exposés) et 75% chez les caprins
(pour 4 caprins exposés). Le taux de mortalité atteint 16% chez les bovins, 30% chez les ovins
et 50% chez les caprins. Le taux de létalité atteint, quant à lui, 46% chez les bovins, 97%
chez les ovins et 67% chez les caprins.
Utilisations pharmaceutiques [11] :
Les sommités fleuries constituent une souche pour préparation homéopathique inscrite
à la pharmacopée française.
Version : 2009