Sorgho d’Alep (Sorghum halepense Pers.) ou Sorgho
vulgaire (Sorghum vulgare Pers.)
POACEES
Photos Sorgho
Bibliographie : [8, 9, 19, 21, 24, 25, 27, 33]
Voir Plantes cyanogénétiques
Noms vernaculaires :
Sorghum vulgare :
Sorgho fourrager, sorgho à balai, millet à balai.
Nom anglais : sorghum.
Description botanique :
Sorgho d’Alep :
Le sorgho d’Alep mesure 50 à 150 cm de hauteur. Il possède une inflorescence peu
fournie dont les épillets sont tous tournés du même côté et dont les fleurs sont vertes et
violettes.
Sorgho vulgaire :
Le sorgho vulgaire mesure 1 à 3 m de haut. Son appareil végétatif est
semblable à celui du maïs et ses feuilles sont plates. Il possède une inflorescence
terminale en panicule très fournie de 20 à 40 cm de longueur. Les épillets sont
arrondis et les fleurs sont vertes et violettes.
Biotope :
Le sorgho d’Alep pousse à l’état sauvage dans le midi de la France et le sorgho vulgaire
est cultivé dans le centre et le midi de la France (utilisation des grains et en tant que
fourrage).
Période de floraison :
Le sorgho fleurit de juillet à septembre.
Parties toxiques de la plante :
Toutes les parties aériennes de la plante sont toxiques en particulier les feuilles. Le sorgho ne conserve pas
sa toxicité après dessiccation.
Principes toxiques :
Le sorgho contient un hétéroside cyanogénétique, la durrhine, donnant par hydrolyse
de l’acide cyanhydrique (HCN). Les teneurs en acide cyanhydrique pour une même
espèce sont très variables suivant l’âge de la plante, les terrains et les conditions
météorologiques. Ainsi, la concentration en hétéroside cyanogénétique est très
importante dans la plante jeune et diminue avec la maturation. La toxicité est maximale
entre le 24ième jour et le 36ième jour de végétation soit pour une hauteur de 10 cm (la teneur
en HCN étant alors de 500 mg/kg de matière végétale). Lorsque le sorgho atteint 12 cm
de hauteur, la teneur en HCN n’est plus que de 200 mg/kg de matière végétale et lorsqu’il
atteint 15 cm de hauteur, elle n’est plus que de 50 mg/kg de matière végétale. De plus,
les feuilles sont plus riches en hétéroside cyanogénétique que la tige. Enfin, la
sécheresse, l’ensoleillement et les engrais azotés augmentent la teneur en hétéroside
cyanogénétique de la plante. Par contre, le fumier et les engrais phosphatés diminuent
la toxicité de la plante.
Le sorgho contient également des tanins.
Dose toxique :
- La dose toxique moyenne du sorgho est de 1 kg de feuilles pour un bovin de 500 kg.
- La dose létale de HCN pour un ruminant est de 2 mg/kg de poids vif.
Circonstances d’intoxication :
Les appels concernant le sorgho représentent 2,3% des appels de toxicologie végétale
pour les ruminants au CNITV (2,8% des appels pour les bovins, 1,6% pour les ovins et 1,1%
pour les caprins).
Graph.105. Répartition des appels concernant le sorgho par espèce (données du CNITV : 90 appels)
L’intoxication par le sorgho concerne principalement les bovins puis dans une moindre
mesure les ovins et les caprins (sur les 90 appels au CNITV concernant le sorgho chez les
ruminants, 82% des appels impliquent les bovins et respectivement 11% et 7% impliquent les
ovins et les caprins).
Elle a lieu au pâturage ou lors de coupe précoce, par ingestion massive de repousses
jeunes.
Graph.106. Répartition annuelle des appels concernant le sorgho (données du CNITV : 90 appels)
Les appels concernant le sorgho atteignent leur maximum au mois d’août lorsque le
sorgho a déjà subit une première coupe et que l’ingestion de jeunes repousses est possible.
Signes cliniques :
Forme suraiguë :
Mort foudroyante en 1 à 2 minutes précédée de quelques convulsions cloniques.
Forme aiguë :
C’est la plus fréquente. Dans les minutes qui suivent l’ingestion, on observe :
- Des signes généraux : décubitus
- Des signes digestifs : tympanisme, ptyalisme
- Des signes nerveux : tremblements, voire convulsions tono-cloniques, ataxie,
parésie du train postérieur
- Des signes respiratoires : polypnée, dyspnée, asphyxie
- Des signes cardio-vasculaires : congestion et cyanose des muqueuses
- Des signes oculaires : mydriase, nystagmus
- Des troubles de la reproduction : avortement, ankylose foetale et arthrogrypose
possibles avec une variété de sorgho fourrager nommée le sudan grass (Sorghum
vulgare var. sudanense).
Forme chronique :
Elle est plus rare et liée à des ions thyocyanates provenant du métabolisme de HCN, on
observe alors l’apparition d’un goitre.
Graph.107. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant le sorgho (n=90)
Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés lors des appels concernant le
sorgho au CNITV sont de l’ataxie dans 15,6% des cas, un décubitus et une cyanose des
muqueuses dans 12,2% des cas.
Evolution :
En fonction de la quantité ingérée, la mort peut survenir en quelques heures, elle peut
même être très brutale en cas d’intoxication suraiguë. Des cas de morts subites
sont néanmoins moins fréquemment rapportés au CNITV (seulement 12,2% des cas) que lors
d’intoxication par le laurier cerise. Certaines ingestions de faibles quantités restent
parfaitement asymptomatiques.
Lésions :
On observe :
- Un sang laqué très rouge vif (rarement observé en pratique)
- Une congestion généralisée de la carcasse et une congestion et une cyanose des
muqueuses
- Un oedème pulmonaire
- Le signe de l’araignée est parfois décrit
- Des muscles foncés (anoxie tissulaire)
Le contenu ruminal a une odeur d’amande amère.
Diagnostic différentiel :
Il comprend les autres causes de mort subite ou de mort rapide avec troubles nerveux
et asphyxiques :
- L’emphysème ou l’oedème aigu du poumon : on observe également des signes
d’asphyxie mais l’auscultation pulmonaire est alors caractéristique
- L’entérotoxémie : les lésions nécropsiques permettent de l’identifier facilement
- Les intoxications par les toxiques méthémoglobinisants (chlorate de soude) : la
phase terminale est semblable à celle observée dans l’intoxication par les plantes
cyanogénétiques mais le sang a une couleur brun chocolat caractéristique.
Diagnostic expérimental :
On peut doser l’acide cyanhydrique sur le contenu ruminal ou les végétaux (si le
contenu ruminal est prélevé rapidement après la mort et congelé immédiatement). On
peut également procéder à l’identification macroscopique voire microscopique des débris
végétaux présents dans le contenu ruminal.
Traitement :
Il est illusoire compte tenu de la rapidité de l’intoxication, mais on peut tenter
l’utilisation de :
- Charbon végétal activé
- Pansement gastro-intestinal
- Perfusion
- Vitamine B12.
Le traitement spécifique de l’intoxication par les plantes cyanogénétiques comprend :
- Injection intraveineuse de bleu de méthylène (2 mg/kg en solution à 2%) pour
transformer l’hémoglobine en méthémoglobine et favoriser la formation d’un
complexe stable de cyanméthémoglobine. Il faut alors veiller à ne pas
dépasser 30% de méthémoglobine dans le sang pour lui préserver ses capacités de
transport de l’oxygène. De plus, chez les bovins, des corps de Heinz ont
tendance à se former sous l’effet du bleu de méthylène.
- Ou injection de tétracémate dicolbaltique qui est rarement disponible en pratique
(KELOCYANOR® 20 à 25 mg/kg IV) [9,19,25,27]
- Ou utilisation de thiosulfate de sodium (ou hyposulfite de sodium, 3 g/100 kg IV
chez les bovins et 2 g/brebis IV chez les ovins) pour favoriser la formation d’ions
thyocyanates, mais il n’existe aujourd’hui plus de spécialités commercialisées en
médecine vétérinaire contenant ce principe actif et il est réservé, en médecine
humaine, à la pratique hospitalière (on le trouve également dans quelques
spécialités humaines mais à des concentrations inutilisables pour le traitement des
ruminants).
Il est déconseillé d’utiliser du nitrite de sodium car il entraîne une
méthémoglobinémie beaucoup plus importante et donc plus dangereuse que le bleu de
méthylène.
On peut tenter de prévenir l’intoxication en tenant compte de la hauteur du sorgho : il
est conseillé de ne faire pâturer que des sorghos âgés mesurant plus de 1 m de hauteur et de
ne pas distribuer de fourrage vert. La législation sur les tourteaux vise également à
limiter le risque d’intoxication.
Pronostic :
Il est très sombre lorsque les symptômes sont installés. Le pronostic semble
favorable si l’animal survit 2 heures après l’apparition des symptômes.
D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 41% chez les bovins (sur
603 bovins exposés), 3% chez les ovins (sur 1396 ovins exposés) et 47% chez les caprins (sur
275 caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 12% chez les bovins, 1% chez les ovins et
7% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 32% chez les bovins, 24% chez les
ovins et 15% chez les caprins.