Laurier cerise (Prunus laurocerasus L.)

ROSACEES
Photos Laurier cerise
Voir Plantes cyanogénétiques

Bibliographie :[6, 9, 11, 19, 24, 25, 27, 33]

Nom vernaculaires :
  Laurier royal, laurier amande, laurier amandier, laurier
amanelier, laurier aux crèmes, laurier au lait, laurier tarte, laurier
palme, laurier de Trébizonde, laurine, laurelle.
  Nom anglais : cherry laurel.

Description botanique :
  Le laurier cerise est un arbre ou un arbuste atteignant 3 à 8 mètres de haut.
  Ses
feuilles persistantes sont alternes, à pétiole court, oblongues, coriaces et
luisantes. Elles dégagent par froissement une forte odeur d’amande amère.
  Les
fleurs sont disposées en grappes blanches insérées à l’aisselle des feuilles de
l’année précédente.
  Le
fruit est une petite drupe ovoïde présentant un sillon longitudinal marqué, rouge
puis noire et luisante à maturité.

Biotope :
  Le laurier cerise est une plante ornementale très répandue en France et le plus
souvent plantée en haie.

Période de floraison :
  Le laurier cerise fleurit de mai à juin.

Parties toxiques de la plante :
  Les feuilles, la tige et les graines sont toxiques même après dessiccation.

Principes toxiques :
  On y trouve des hétérosides cyanogénétiques : les feuilles renferment du prunasoside
ou prulaurasoside ou laurocerasine (0,1 à 0,2% d’acide cyanhydrique) et la graine contient de
l’amygdaloside ; la pulpe du fruit ne renferme par contre pratiquement pas d’hétérosides
cyanogénétiques. Cette plante contient également des tanins.
  Les teneurs en acide cyanhydrique pour une même espèce sont très variables suivant
l’âge de la plante, les terrains et les conditions météorologiques. Ainsi les jeunes
feuilles sont les plus riches en HCN et cette teneur est maximale en juillet-août et en période
de sécheresse. Un sol riche en azote, en phosphore ou en métaux lourd favorise
également la production d’HCN par la plante.

Mode d’action :
  La mastication est nécessaire à l’hydrolyse du prunasoside (favorise la mise en contact
de l’hydrolase et du prunasoside). Les hétérosides cyanogénétiques donnent par hydrolyse
de l’acide cyanhydrique (HCN). Celui-ci diffuse alors rapidement à travers la barrière
digestive et se distribue largement dans les cellules. Il se fixe alors sur une enzyme (la
cytochrome oxydase) et inhibe le transfert de l’oxygène des hématies vers les cellules.
  La fixation de l’acide cyanhydrique sur la cytochrome oxydase est réversible, dès sa rupture,
l’enzyme est à nouveau capable d’assurer son rôle dans la chaîne respiratoire cellulaire. Le
pH ruminal est plus favorable à la formation d’acide cyanhydrique que le pH acide de l’estomac
des monogastriques (moindre destruction des glucosidases qui participent à la formation
d’HCN), ce qui explique la plus grande sensibilité des ruminants à cette intoxication.

Pharmacocinétique :
  L’ion cyanure peut être utilisé dans le foie et le plasma sanguin pour former des ions
thyocyanates (par association avec un ion soufre). Ces ions sont ensuite essentiellement
éliminés par voie rénale. L’ion cyanure peut également être utilisé par l’organisme pour former
de la vitamine B12, de la cyanméthémoglobine ou du CO
2 éliminé par voie pulmonaire, mais ces
mécanismes sont beaucoup plus accessoires.

Dose toxique :
- La dose létale d’acide cyanhydrique est estimée à 2 mg/kg de poids vif pour un
bovin.
- La dose toxique est de 0,5 à 1 kg de feuilles vertes par bovin et de 0,2 kg pour un
ovin.

Circonstances d’intoxication :
  Les appels concernant le laurier cerise représentent 3,3% des appels de toxicologie
végétale pour les ruminants (2,2% des appels pour les bovins, 5% pour les ovins et 7% pour les
caprins). Il s’agit de la deuxième cause d’appel de toxicologie végétale pour les ovins et les
caprins.


Graph.60. Répartition des appels concernant le laurier cerise par espèce (données du CNITV : 125
appels)

  Cette intoxication concerne principalement les bovins puis les ovins et les caprins (sur
les 125 appels au CNITV concernant le laurier cerise chez les ruminants, 46% impliquent les
bovins et respectivement 29% et 25% impliquent les ovins et les caprins).
L’intoxication par le laurier cerise a surtout lieu lors de la période de la taille des haies
(consommation des déchets de taille mis à la disposition des animaux) ou en période de
disette (consommation des feuilles sur pied lorsque les haies ornementales sont trop près des
pâtures).


Graph.61. Répartition annuelle des appels concernant le laurier cerise (données du CNITV : 125 appels)
  Les appels concernant le laurier cerise sont répartis sur toute l’année.


Signes cliniques :
Forme suraiguë :
  Mort par collapsus respiratoire quelques minutes après ingestion (après une phase de
convulsions cloniques).

Forme aiguë :
  C’est la forme la plus fréquente, dans les minutes qui suivent l’ingestion, on observe :
- Des
signes nerveux : tremblements, ataxie
- Des signes respiratoires : dyspnée, tachypnée, hyperpnée
- Des signes cardio-vasculaires : congestion et cyanose des muqueuses
  Dans un second temps, on peut constater :
- Des signes généraux : décubitus, hypersudation
- Des signes digestifs : hypersalivation, défécation par relâchement des sphincters,
tympanisme, diarrhée
- Des signes respiratoires : aggravation de la dyspnée puis asphyxie
- Des signes nerveux : convulsions tono-cloniques, opisthotonos puis coma
- Des signes oculaires : mydriase
- Des signes urinaires : miction par relâchement des sphincters.

Forme chronique :
  Elle est plus rare et liée aux ions thyocyanates provenant du métabolisme de l’acide
cyanhydrique, on a alors apparition d’un goitre.


Graph.62. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant le laurier cerise
(n=125)

  Les signes cliniques les plus souvent rapportés au CNITV lors des appels concernant le
laurier cerise sont de la diarrhée dans 15,2% des cas, de la prostration dans 12,8% des cas, un
décubitus dans 8,7% des cas et de l’hypersalivation dans 7,9% des cas.

Evolution :
  En fonction de la quantité ingérée, cette intoxication peut entraîner la mort en
quelques minutes à quelques heures : la mort peut être très brutale en cas d’intoxication
suraiguë ou intervenir en 2 à 3 heures en cas d’intoxication aiguë. Des cas de
mort subite sont rapportés dans 23,2% des appels au CNITV. Si l’animal survit, on assiste à
une succession de phases symptomatiques entrecoupées de phases asymptomatiques pendant
plusieurs jours. Certaines ingestions de faibles quantités peuvent rester parfaitement
asymptomatiques.

Lésions :
  Les lésions ne sont pas pathognomoniques, on peut observer :
- Un sang rouge vif, laqué, qui coagule très mal (rarement observé en pratique)
- Une congestion et une cyanose des muqueuses
- Un oedème pulmonaire
- Parfois : un signe de l’araignée sur le tissu conjonctif sous-cutané
- Des muscles foncés (anoxie tissulaire)
  Le contenu ruminal a une odeur d’amande amère.

Diagnostic différentiel :
  Il comprend les autres causes de mort subite ou de mort rapide avec troubles nerveux
et asphyxiques :
- L’emphysème ou l’oedème aigu du poumon : on observe également des signes
d’asphyxie mais l’auscultation pulmonaire est alors caractéristique
- L’entérotoxémie : les lésions nécropsiques permettent de l’identifier facilement
- Les intoxications par les toxiques méthémoglobinisants (chlorate de soude) : la
phase terminale est semblable à celle observée dans l’intoxication par les plantes
cyanogénétiques mais le sang a une couleur brun chocolat caractéristique.

Diagnostic expérimental :
  On peut doser l’acide cyanhydrique dans le contenu ruminal (s’il est prélevé rapidement
après la mort et congelé immédiatement) ou les végétaux, ou procéder à l’identification
phyto-histologique des débris présents dans le contenu ruminal.

Traitement :
  Il est illusoire compte tenu de la rapidité de l’intoxication. On peut essayer d’utiliser
du charbon végétal activé, des pansements gastro-intestinaux, des perfusion ou de la
vitamine B
12. Le traitement spécifique de l’intoxication par les plantes
cyanogénétiques consiste en :
- Injection intraveineuse de bleu de méthylène (2 mg/kg en solution à 2%) pour
transformer l’hémoglobine en méthémoglobine et favoriser la formation d’un
complexe stable de cyanméthémoglobine. Il faut alors veiller à ne pas
dépasser 30% de méthémoglobine dans le sang pour lui préserver ses capacités de
transport de l’oxygène. De plus, chez les bovins, des corps de Heinz ont
tendance à se former sous l’effet du bleu de méthylène.
- Ou injection de tétracémate dicolbaltique qui est rarement disponible en pratique
(KELOCYANOR
® 20 à 25 mg/kg IV).
- Ou utilisation de thiosulfate de sodium (ou hyposulfite de sodium, 3 g/100 kg IV
chez les bovins et 2 g/brebis IV chez les ovins) pour favoriser la formation d’ions
thyocyanates, mais il n’existe aujourd’hui plus de spécialités commercialisées en
médecine vétérinaire contenant ce principe actif et il est réservé, en médecine
humaine, à la pratique hospitalière (on le trouve également dans quelques
spécialités humaines mais à des concentrations inutilisables pour le traitement des
ruminants).
  Le CNITV déconseille l’utilisation du nitrite de sodium car il entraîne une méthémoglobinémie
beaucoup plus importante et donc plus dangereuse que le bleu de méthylène.

Pronostic :
  Il est très sombre lorsque les symptômes sont installés. Il semble que si
l’animal arrive à survivre 2 heures après l’apparition des symptômes, le pronostic soit meilleur.
  D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 52% chez les bovins (sur
290 bovins exposés), 46% chez les ovins (sur 193 ovins exposés) et 45% chez les caprins (sur
240 caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 24% chez les bovins, 32% chez les ovins
et 9% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 46% chez les bovins, 69% chez
les ovins et 21% chez les caprins.

Utilisations pharmaceutiques :
  Les feuilles sont utilisées pour préparer de l’eau distillée de laurier cerise qui a des
propriétés aromatisantes et de stimulant respiratoire.

Bibliographie :[6, 9, 11, 19, 24, 25, 27, 33]