Séneçon vulgaire (Senecio vulgaris L.) et Séneçon
jacobée (Senecio jacobaea L.)
ASTERACEES
Photos Séneçon
Bibliographie : [2, 11, 16, 18, 21, 24, 27, 31, 33, 36]
Noms vernaculaires :
Séneçon vulgaire :
Séneçon commun, séneçon des oiseaux, herbe au charpentier, grand mouron.
Nom anglais : ragwort, groundsel, common groundsel.
Séneçon jacobée :
Jacobée, séneçon de Jacob, bâton de Jacob, fleur de Jacob, fleur de Saint-Jacques,
herbe de Saint-Jacques, herbe dorée.
Nom anglais : ragwort, common ragwort, tansy ragwort, stinking Willie.
Description botanique :
Séneçon vulgaire :
Le séneçon vulgaire est une plante annuelle variable atteignant 10 à 45 cm de hauteur.
La tige est dressée et légèrement ramifiée, souvent pourvue de poils très fins.
Les feuilles sont vert vif, un peu brillantes, lancéolées, lobées et à segments dentés.
Les feuilles supérieures sont sessiles et embrassantes par deux oreillettes basales
alors que les feuilles inférieures sont pétiolées.
Les fleurs sont des tubules jaunes réunis en capitules, eux-mêmes disposés en
corymbe. Les capitules sont larges de 4 à 5 mm. Les bractées de l’involucre sont souvent noires
au sommet et les externes sont beaucoup plus courtes que les internes.
Le fruit est un akène à aigrette.
Séneçon jacobée :
Le séneçon jacobée est une plante herbacée bisannuelle ou vivace atteignant 30 à 150
cm de hauteur et poussant souvent en touffe.
La tige est robuste, dressée, rameuse, striée, rougeâtre et poilue ou presque glabre.
Les feuilles sont alternes, épaisses, vert foncé, pennées et très divisées.
Les feuilles inférieures sont pétiolées et se flétrissent souvent à la
floraison, alors que les feuilles supérieures sont plus petites, en général moins divisées,
sessiles et embrassantes. Ces feuilles sont souvent floconneuses sur leur face
inférieure.
Les fleurs jaune or sont réunies en capitules de 15 à 25 mm de diamètre, eux-mêmes
disposés en corymbe plan. Ces fleurs sont des tubules entourés de douze à quinze fleurs ligulées et
étalées. Les bractées de l’involucre sont imbriquées, noires au sommet et de taille égale.
Le fruit est un akène à aigrette. Les akènes centraux sont pubescents alors
que ceux du pourtour sont glabres.
Biotope :
Séneçon vulgaire :
Cette plante, considérée comme une adventice, est très répandue. Elle peuple
les cultures, les friches, les décombres, le bord des chemins, les accotements routiers, les
voies ferrées, etc.
Séneçon jacobée :
Le séneçon jacobée, également considéré comme une adventice, est une plante très
répandue qui peuple les cultures, les friches, les prairies, les pâturages, les berges des
rivières, les talus, le bord des chemins mais aussi les dunes et les galets maritimes. On peut
la rencontrer jusqu’à 1500 mètres d’altitude.
Période de floraison :
Séneçon vulgaire :
Il fleurit toute l’année.
Séneçon jacobée :
Il fleurit de juin à novembre.
Biologie :
On distingue différents chimiotypes chez le séneçon jacobée.
Parties toxiques de la plante :
Toute la plante est toxique et conserve sa toxicité après dessiccation.
La toxicité semble maximale au premier stade de végétation.
Principes toxiques :
Comme tous les séneçons (ainsi que Adenostyles alliariae, Eupatorium cannabinum,
Petasites sp., Tussilago farfara, Ligularia sp. et Crotalaria sp.), le séneçon vulgaire et le
séneçon jacobée contiennent des alcaloïdes pyrrolizidiniques (sénécionine, sénéciphylline,
rétrorcine, jacobine, érucifoline, sénéciphylline, etc. ainsi que leurs isomères) hépatotoxiques
et cancérigènes dans certaines espèces (ainsi que partiellement mutagènes et tératogènes).
Le séneçon vulgaire contient jusqu’à 0,21% d’alcaloïdes et le séneçon jacobée en contient
0,2 à 0,3%. La teneur en alcaloïdes des différents chimiotypes du
séneçon jacobée est très variable et est déterminée génétiquement et par des facteurs
externes (sécheresse, nutriments).
Bien que peu de cas soient rapportés en France comparé aux Etats-Unis, au Canada ou
à l’Australie, les séneçons français sont tout à fait capables de déclencher un syndrome
hépatique (comme cela a été démontré expérimentalement). Cependant, la période de
latence très longue entre la consommation de la plante et l’apparition des signes cliniques rend
le diagnostic de cette intoxication très difficile et explique en partie le peu de cas qui sont
déclarés.
Le miel issu de ces plantes et le lait produit par les animaux intoxiqués peuvent
également contenir ces principes toxiques, il est donc conseillé de retirer le lait des animaux
intoxiqués de la consommation. De plus, ces alcaloïdes passent la barrière
placentaire et peuvent donc affecter le foetus des femelles gestantes.
Mode d’action :
La toxicité des alcaloïdes pyrrolizidiniques est due aux dérivés du pyrrole qui sont
issus de leur déshydrogénation par les enzymes microsomales hépatiques. L’induction de ces
enzymes par le phénobarbital intensifie d’autant plus leur hépatotoxicité. Ces dérivés du
pyrrole forment des macromolécules dans les hépatocytes en particulier avec l’ADN, ce qui
empêche les divisions cellulaires.
A forte dose, on observe une nécrose des hépatocytes mais le plus souvent, on
constate que les lésions cellulaires empêchent les divisions qui permettraient de régénérer les
hépatocytes. Les cellules continuent donc de s’accroître sans se diviser (cytomégalie et
caryomégalie), elles atteignent alors une masse critique et meurent. Histologiquement, on
observe donc une cytomégalie et une atrophie du parenchyme hépatique.
En réaction à la mort de nombreux hépatocytes, on assiste à une prolifération des
canaux biliaires.
Lorsque les lésions deviennent trop importantes, la fonction hépatique n’est plus
assurée et l’animal intoxiqué présente un syndrome d’insuffisance hépatique généralisé.
Pharmacocinétique :
Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont rapidement absorbés dans le tractus digestif et
passe dans le foie via la veine porte. Ils sont ensuite rapidement éliminés par l’urine ou le lait.
Dose toxique :
- La dose toxique est de 50 à 100 grammes de plante fraîche pendant 7 à 8 semaines
ou de 0,1 à 0,2 grammes de plante sèche par kilo de poids vif chez les bovins.
- Elle est de 2 à 4 grammes de plante sèche par kilo de poids vif chez les ovins.
- Elle est de 1,25 à 4 grammes de plante sèche par kilo de poids vif chez les caprins.
- La dose létale est de 4 à 8% de la masse corporelle chez les bovins (3,6% chez les
chevaux) alors qu’elle est de 200 à 300% de la masse corporelle chez les ovins et
les caprins, qui sont donc très peu sensibles (voire insensibles) aux séneçons.
Circonstances d’intoxication :
Les appels concernant le séneçon représentent 0,7% des appels de toxicologie végétale
au CNITV pour les ruminants (0,7% des appels pour les bovins, 0,5% pour les ovins et 0,6%
pour les caprins).
Graph.102. Répartition des appels concernant le séneçon par espèce (données du CNITV : 24 appels)
Sur les 24 appels au CNITV concernant le séneçon chez les ruminants, 76% impliquent
les bovins et 12% impliquent les ovins ou les caprins. Cette intoxication est cependant
uniquement décrite chez les bovins, les ovins et les caprins y étant très peu sensibles.
Les animaux jeunes et en croissance sont les plus sensibles aux effets
hépatotoxiques du séneçon.
Les bovins refusent en général cette plante quand ils pâturent mais ils peuvent la
consommer en cas de disette ou par le biais de foin ou d’ensilage contaminé. Les
traitements herbicides utilisant les aryloxyacides augmentent l’appétence des séneçons et
donc les risques d’intoxications.
Graph.103. Répartition annuelle des appels concernant le séneçon (données du CNITV : 24 appels)
Les appels au CNITV concernant le séneçon sont répartis de mars à décembre avec un
maximum en juin soit pendant le premier stade de végétation.
Signes cliniques :
Il s’agit quasiment toujours d’une intoxication chronique dont les signes cliniques ne se
manifestent qu’après plusieurs semaines à plusieurs mois après la première ingestion.
Ainsi, un veau nourri pendant 18 jours avec 1,3 kg de séneçon jacobée frais (i.e. 3
mg/kg/j d’alcaloïdes pyrrolizidiniques) est resté en bonnes conditions pendant 21 semaines et
a été euthanasié la 26ème semaine. Une dose d’alcaloïdes de 1,3 mg/kg/j pendant 2 mois
produit des effets identiques après 11 à 51 semaines. Dans une autre expérience, un veau
nourri avec 300 grammes de séneçon jacobée sec par jour (l’équivalent de 1,2 à 1,5 kg de
plante fraîche par jour) associé à des céréales et du foin de prairie permanente, est mort
après 40 semaines de ce régime.
Forme chronique :
Les signes cliniques observés sont peu corrélés à la quantité ingérée et à la
durée d’ingestion :
- Signes généraux : dépression, retard de croissance chez les veaux, perte de poids
rapide, faiblesse musculaire, poils rêche
- Signes digestifs : anorexie, diarrhée ou au contraire constipation, ténesme,
météorisation
- Signes nerveux : pousser au mur, marcher en cercle, agitation, ataxie,
tremblements
- Signes oculaires : diminution de l’acuité visuelle puis amaurose
- Signes cutanés : parfois photosensibilisation secondaire
- Troubles métaboliques : ictère tardif
- Troubles de la reproduction : avortement
Forme aiguë :
Elle est très rare et se manifeste après l’ingestion brutale de grandes quantités :
- Signes généraux : faiblesse musculaire [2]
- Signes digestifs : diarrhée, coliques [2,16,24]
- Signes cardio-vasculaires : tachypnée [24,27]
- Signes respiratoires : tachypnée [24]
- Signes oculaires : mydriase [24]
- Troubles métaboliques : ictère [24,27].
Graph.104. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant le séneçon (n=24)
Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés lors des appels au CNITV
concernant le séneçon sont des signes généraux (amaigrissement dans 25%, prostration dans
16,7% des cas et décubitus dans 12,5% des cas) digestifs (anorexie dans 25% des cas et
constipation dans 12,5% des cas), nerveux (ataxie dans 12,5% des cas) et métaboliques avec
de l’ictère dans 25% des cas.
Signes paracliniques :
On peut noter une augmentation de la γ-glutamyl transférase (augmentation précoce),
de l’ornithine carbamoyl transférase (OCT) et de l’aspartate amino-transférase (AsAT,
augmentation tardive), traduisant une atteinte hépatique marquée. On relève
également une augmentation de la clairance fonctionnelle en bromosulfophtaléine (BSP) qui
traduit une dégradation de la fonction d’excrétion hépatique ainsi qu’une augmentation de la
bilirubine totale et des acides biliaires, ce qui est en relation avec l’apparition de l’ictère
clinique.
Evolution :
La mort peut survenir en quelques heures dans la forme aiguë.
Lésions :
L’aspect du foie varie selon la rapidité d’évolution de l’intoxication. On peut
observer :
- Une hépatite de type cirrhotique (rapportée dans 25% des cas au CNITV).
- Un ictère (signalé dans 25% des cas au CNITV)
- Une ascite (rapportée dans 12,5% des cas au CNITV)
- Un hydrothorax
- Un hydropéritoine (inconstant)
- Une néphrite (rapportée dans 12,5% des cas au CNITV) et une dégénérescence
rénale
- Un oedème de la caillette
- Des hémorragies au niveau de la muqueuse de l’intestin grêle et des séreuses
[2,24].
Histologiquement, on peut noter une cirrhose hypertrophique avec mégalocytose,
occlusion des veines hépatiques et parfois prolifération des canaux biliaires
(expérimentalement, une hépatite interstitielle chronique associée à des lésions de
dégénérescence et de nécrose des hépatocytes ont été mises en évidence).
L’intoxication expérimentale d’un veau (consommation de 300 grammes de séneçon
jacobée sec par jour associé à des céréales et du foin de prairie permanente, ayant entraîné
la mort après 40 semaines de ce régime) a montré la présence d’une ascite, d’un hydrothorax,
d’un hydropéricarde, d’une dilation des cavités cardiaques associée à une hypertrophie
excentrique du ventricule gauche, d’un foie de taille diminuée, de consistance ferme et de
couleur claire avec une lobulation très visible, d’une hypertrophie de la vésicule biliaire avec
un oedème de la paroi et enfin de reins de couleur claire avec un piqueté hémorragique souscapsulaire.
Diagnostic différentiel :
Il prendra en compte les affections et les intoxications associant des signes digestifs
et nerveux marqués, un ictère et une augmentation des paramètres hépatiques, voire les
intoxications par les plantes photosensibilisantes en cas de photosensibilisation secondaire.
Diagnostic expérimental :
Il est possible de mettre en évidence les métabolites pyrrolizidiques dans le sang et le
foie de l’animal intoxiqué mais cette technique de diagnostic n’est pas couramment pratiquée
en France. On peut aussi procéder à l’examen phyto-histologique des débris végétaux
contenus dans le rumen.
Traitement :
Lorsque les signes cliniques apparaissent, le traitement est souvent illusoire. Il faut
bien sûr empêcher l’accès à la plante et on conseille l’abattage des animaux intoxiqués
le plus rapidement possible (avant la déchéance physiologique).
On peut néanmoins essayer un traitement symptomatique :
- Antibiothérapie pour diminuer la production d’ammoniac au niveau intestinal
- Arginine et acide glutamique
- Méthionine à forte dose
- Butylhydroxyanisole (antioxydant)
- Régime hyperprotéique et hypoénergétique dans l’attente d’une éventuelle
régénération du tissu hépatique.
Il faut bien évidemment empêcher l’animal de consommer à nouveau des séneçons.
On peut limiter le développement des séneçons en épandant des phosphates car ils aiment les
sols pauvres en phosphore, cobalt et cuivre.
Pronostic :
Le pronostic est sombre car même si la mort est exceptionnelle, les lésions et la
déchéance physiologique qui en découlent sont irréversibles.
D’après les données du CNITV, le taux de morbidité est de 30% chez les bovins (pour
165 bovins exposés), 7% chez les ovins (pour 420 ovins exposés) et 100% chez les caprins
(pour 17 caprins exposés). Le taux de mortalité atteint 10% chez les bovins, 7% chez les ovins
et 100% chez les caprins. Le taux de létalité atteint, quant à lui, 34% chez les bovins, 100%
chez les ovins et 100% chez les caprins.
Utilisations pharmaceutiques :
Le séneçon jacobée est inscrit sur la liste B des plantes médicinales dont l’évaluation
du rapport bénéfice-risque est négative pour une utilisation traditionnelle en préparation
magistrale.