If à baies (Taxus baccata L.)
TAXACEES
Photos If
Noms vernaculaires [2, 15, 16, 20, 24]:
If d’Europe, if commun, taxus, ifreteau, fretan, tasso (Corse et midi de la France).
Nom anglais : yew, English yew.
Description botanique [2, 11, 15, 16, 20, 24, 25, 36] :
L’if à baies est un arbre ou arbuste non résineux et très rameux qui peut atteindre 5 à
15 mètres de hauteur.
Le tronc est unique ou multiple, à écorce écailleuse gris brun à brun rougeâtre. Les branches sont
nombreuses et étalées. Des pousses adventices sont visibles sur le tronc.
Les feuilles sont persistantes, vert foncé et vernissées au-dessus, vert jaunâtre et
mat au-dessous. Ces aiguilles plates, molles et pointues à l’extrémité mesurent 2 à 3 cm de long
pour 2 à 3 mm de large, leur nervure médiane est saillante sur les deux faces. Elles semblent disposées sur deux rangs mais
sont en fait réparties tout autour des rameaux en spirale.
L’if est un arbre dioïque, il ne porte que des fleurs femelles verdâtres et
insignifiantes, isolées à l’extrémité des rameaux, ou des fleurs mâles plus visibles situées sur
de très petites pousses à l’aisselle des aiguilles.
Les graines sont noires et isolées, entourées d’une arille charnue rouge ouverte au
sommet et simulant une baie (d’où le nom de l’arbre). L’arille mesure une
dizaine de millimètres de diamètre.
Il ne faut pas confondre l’if et le sapin : les aiguilles de l’if semblent disposées dans
des plans séparés et elles ne piquent pas contrairement à celle du sapin (aiguilles molles).
Par ailleurs, l’if n’est pas un résineux.
Biotope [11, 15, 16, 25] :
L’if à baies est présent dans l’ensemble de l’Europe. Il pousse aussi bien à l’ombre qu’au soleil
et s’accommode de la plupart des sols. Il supporte bien les grands froids et on le trouve jusqu’à
1600 mètres en montagne sur sol calcaire (il ne pousse pas spontanément dans le Massif Central
et est très rare dans les Vosges). Il peuple les hêtraies et d’autres types de forêts mais ne réalise pas de peuplements
denses. Il est fréquemment planté dans les parcs, jardins et cimetières à des fins ornementales et
notamment en haies. Il existe aujourd’hui un grand nombre de variétés ornementales de Taxus baccata.
Période de floraison [36]:
L’if à baie fleurit de mars à avril.
Biologie [11, 15, 36]:
La croissance de l’if à baie est très lente mais sa longévité est exceptionnelle (jusqu’à
2000 ans).
Le bois de l’if est doté de nombreuses qualités : dureté, homogénéité, finesse du grain,
belle couleur rouge, résistance mécanique et au pourrissement et élasticité. L’importante
utilisation de ce bois au Moyen-âge (usage militaire), l’éclaircissement des forêts,
l’abroutissement par les cerfs et les chevreuils, ainsi que son utilisation en tant que matière
première médicinale et l’archaïsme de sa reproduction ont causé la raréfaction de l’espèce. Ainsi,
l’if à l’état cultivé est fréquemment rencontré mais les populations sauvages se raréfient.
L’arille a une saveur sucrée qui attire les oiseaux. Les graines sont ainsi dispersées
par ces derniers (non digérées, elles sont rejetées avec les fientes).
Parties toxiques de la plante [2, 6, 15, 16, 20, 24, 25, 27]:
Les principes toxiques sont présents dans les feuilles, l’écorce, le bois, les racines et
les graines et seule la partie charnue de l’arille n’est pas toxique. Seule l’ingestion de feuilles,
d’écorce ou d’une quantité suffisante d’arilles mastiquées et concassées peut donc être dangereuse pour les ruminants.
Plus les feuilles sont anciennes et plus elles sont toxiques. La toxicité de l’if n’est pas modifiée par la dessiccation
après coupe et séchage. Elle est maximale en hiver.
Principes toxiques [2,6,11,15,16,20,24,25,27] :
On trouve :
- Des pseudo-alcaloïdes : éphédrine, milosine et surtout
taxine (teneur des feuilles en taxine : 0,04 à 0,7% en été et 2% en hiver, teneur
des graines en taxine : jusqu’à 1%). La taxine B est le pseudo-alcaloïde principal de
l’if.
- Des hétérosides cardiotoniques : taxicoside, libérant par hydrolyse du glucose et
de la taxicatine
- Des hétérosides cyanogénétiques qui jouent un rôle peu important dans la toxicité
de l’if
- De l’acide formique, surtout présent dans les feuilles
- Diverses autres substances, à activité notamment irritante, anti-ovulatoire et
tranquillisante .
Mode d’action [2,15,25]:
La taxine, qui est un mélange d’au moins onze alcaloïdes, inhibe les courants calcique et
sodique entrant au niveau des cellules cardiaques. Elle n’a par contre aucun effet sur
les canaux potassium. Elle exerce principalement une action dromotrope négative et est
responsable d’un arrêt du coeur en diastole.
Dose toxique [11,15,16,24,25, 33] :
La dose minimale mortelle par voie orale est de :
- 40 à 200 g de feuilles par 100 kg de poids vif
- ou de 40 à 1000 g de plante fraîche pour 100 kg de poids vif
- ou de 0,5% du poids vif pour les feuilles fraîches.
Il convient de noter que le lait et la chair des animaux intoxiqués sont impropres à la
consommation. La global Food Animal Residue Avoidance Data Bank conseille un temps
d’attente de 35 jours pour les viandes et de 48 heures pour le lait des animaux ayant
consommé de l’if et ayant présenté ou non des signes d’intoxication.
Circonstances d’intoxication [11,15,16,19,20,25,27,33].:
Les appels concernant l’if représentent 5,7% des appels de toxicologie végétale pour
les ruminants au CNITV (6,7% des appels pour les bovins, 3% pour les ovins et 3,8% pour les
caprins). C’est la première cause d’appels de toxicologie végétale pour les ruminants au
CNITV.
Graph.57. Répartition des appels concernant l’if par espèce (données du CNITV : 217 appels)
L’intoxication concerne principalement les bovins mais aussi les ovins et les caprins (sur
les 217 appels au CNITV concernant l’if chez les ruminants, 82% impliquent les bovins et
seulement 9% impliquent les ovins ou les caprins) ainsi que les ruminants sauvages présents
dans les parcs zoologiques plus rarement. Les ruminants sont néanmoins moins
sensibles que les chevaux à cette intoxication car les pseudo-alcaloïdes contenus dans l’if sont
en partie détruits dans le rumen.
Sa fréquence est plus élevée à l’automne et en hiver. Elle se produit par
consommation de branches feuillues in situ ou tombées à terre après une taille ou une
tempête. L’appétence des animaux pour cette plante serait d’ailleurs
augmentée par la coupe et l’absence de résine contrairement aux autres conifères.
Graph.58. Répartition annuelle des appels concernant l’if (données du CNITV : 217 appels)
Les appels concernant l’if au CNITV sont répartis sur toute l’année.
Signes cliniques [2,15,19,24,25,27,33] :
Intoxication suraiguë :
Mort foudroyante en quelques minutes après une phase de dyspnée et de
tremblements. Les animaux sont parfois retrouvés morts avec des rameaux d’if
entre les dents.
Intoxication aiguë ou subaiguë :
On a d’abord une courte période durant laquelle on observe :
- Des signes généraux : agitation, hyperthermie
- Des signes digestifs : météorisation, tympanisme, inrumination, diarrhée, coliques,
ptyalisme, éructation
- Des signes nerveux : tremblements, trémulations musculaires, ataxie, mydriase
- Des signes cardiovasculaires : tachycardie, arythmies cardiaques
- Des signes respiratoires : polypnée, dyspnée
- Des signes oculaires : mydriase
- Des signes urinaires : émission d’urines parfois noirâtres
- Des troubles de la reproduction : avortement possible.
Ensuite, l’animal vacille, se couche et tombe dans une somnolence profonde voire un
coma. Les fréquences cardiaque et respiratoire diminuent (bradycardie,
bradypnée) et le pouls devient filant.
Graph.59. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant l’if (n=217)
Les appels au CNITV concernent le plus fréquemment des intoxications suraiguës à l’if
à baies. Ainsi, dans la grande majorité des cas, c’est une mort subite qui est rapportée au
CNITV (53,5% des cas). Parmi les signes cliniques, un décubitus (10,6% des cas) ou des
trémulations musculaires (8,3% des cas) sont le plus fréquemment notés.
Evolution [2,11,15,20,24,25,27] :
L’évolution se fait le plus souvent vers la mort : elle peut survenir en 1 à 72 heures
selon la quantité ingérée.
Lésions [2,15,20,24,27] :
Elles sont non spécifiques. On observe :
- Une distension du rumen par les gaz et les feuilles
- Une gastro-entérite
- Une congestion rénale, hépatique et splénique
- Des suffusions au niveau de l’omentum
- Une congestion et un oedème aigu du poumon
- Une dilatation des ventricules cardiaques ou la présence de sang noir dans le coeur
gauche et l’absence de sang dans le coeur droit.
Diagnostic différentiel [20] :
Il devra prendre en compte les autres causes de mort subite au pré telles que :
- L’entérotoxémie : elle survient en général lors de changement alimentaire brusque
ou de stress
- La fulguration : attention car dans ce cas la présence de brûlure n’est pas
systématique
- La météorisation gazeuse ou spumeuse : l’animal décède alors par asphyxie et une
grande quantité de gaz ou de mousse dilate le rumen.
- Certaines intoxications végétales ou non (intoxication par le galéga, le colchique, le
laurier rose, etc.).
Diagnostic expérimental [2,11,15,16,20,27] :
On peut réaliser un examen macroscopique voire microscopique des feuilles présentes
dans le contenu ruminal, en effet, celles-ci, coriaces, transitent lentement dans le tube
digestif. On peut également réaliser l’identification et le dosage de la
taxine par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrophotométrie de masse sur
des échantillons de contenu digestif, de plasma ou d’urine.
Traitement [2,15,19,20,24,27,33] :
Une ruminotomie réalisée rapidement et dans de bonnes conditions avant l’apparition
des signes cliniques permet généralement de sauver les animaux qui ont consommé de l’if à
baies .
Si plusieurs animaux sont touchés (rendant le traitement par ruminotomie
difficilement réalisable), on peut tenter un traitement symptomatique, qui est
malheureusement illusoire et souvent voué à l’échec :
- Charbon végétal activé
- Purgatif salin
- Huile de paraffine
- Analeptiques cardiorespiratoires : atropine (0,1 mg/kg IV) ou heptaminol (10 mg/kg
IV ou IM) pour combattre la bradycardie
- Perfusion.
Pronostic [19,24,25] :
Il est très sombre.
D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 34% chez les bovins (sur
2137 bovins exposés), 78% chez les ovins (sur 100 ovins exposés) et 67% chez les caprins (sur
43 caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 23% chez les bovins, 67% chez les ovins et
51% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 67% chez les bovins, 86% chez les
ovins et 76% chez les caprins.
Utilisations pharmaceutiques [11,15,16,20,24] :
Le paclitaxel (TAXOL®), extrait de l’écorce du Taxus brevifolia ou produit par
hémisynthèse, et ses dérivés d’hémisynthèse (docétaxel, TAXOTERE®) possèdent des
propriétés cytotoxiques (inhibition des divisions cellulaires par stabilisation des microtubules)
utilisées dans le traitement de certaines tumeurs (ovaire, sein, poumon). Les
substances de la famille du paclitaxel à activité anticancéreuse sont appelées taxoïdes ou
taxanes.
Certains composants (les biflavonoïdes) auraient une action dépressive sur le système
nerveux central (activité tranquillisante et sédative) et une action hépatoprotectrice.
Version : 2009