Morelle noire (Solanum nigrum L.)
SOLANACEES
Photos Morelle
Bibliographie : 2, 11, 16, 18, 24, 27, 28, 36
Noms vernaculaires :
Morelle, mourelle, morette, amourette, raisin de loup, crève-chien, tue-chien,
herbe à gale, herbe maure, herbe aux magiciens.
Nom anglais : black nightshade.
Description botanique :
La morelle noire est une plante herbacée annuelle mesurant 10 à 100 cm de hauteur.
La tige est dressée ou couchée, glabre ou peu poilue, rameuse et souvent noirâtre.
Les feuilles, pétiolées et alternes, de 4 à 10 cm de long, sont ovales à lancéolées et
généralement dentées ou profondément lobées (mais parfois entières).
Elles deviennent d’un vert très sombre en séchant.
Les fleurs (10 à 14 mm de diamètre) sont blanches avec des pétales d’abord étalés puis
réfléchis (elles ressemblent à des fleurs de pomme de terre miniatures). Elles sont disposées
en corymbe et groupées par trois à cinq le long de la tige.
Le fruit est une petite baie sphérique et charnue (6 à 10 mm de diamètre) d’abord
verte puis noire à maturité. Cette baie contient une pulpe violacée retenant
de petites graines lenticulaires, grisâtres et aplaties. La fructification s’étale d’août
à novembre.
Biotope :
Cette plante est présente dans toute la France mais manque localement, elle peuple les
jardins, les cultures, les friches, les décombres, les bords de chemin et les cours de ferme.
Elle est nitrophile et affectionne les sols frais riches en substances nutritives et les terrains sableux.
Elle était autrefois cultivée à des fins alimentaires en région méditerranéenne et en Amérique.
Période de floraison :
Cette plante fleurit de juin à octobre.
Parties toxiques de la plante :
Les parties les plus riches en principes toxiques sont les fruits verts (1,3% de la
matière sèche) et les feuilles. Les baies mûres ne semblent par contre pas toxiques.
La toxicité est conservée après dessiccation.
Principes toxiques :
La plante contient des glucoalcaloïdes (jusqu’à 1,1% de la matière sèche) :
- α-solanine
- Solanidine
- Solasodine
- Solasonine
- Solamargine
- Solanigrine
- Et bien d’autres encore…
La teneur en glucoalcaloïdes augmente durant le développement de la plante jusqu’à
l’apparition des fruits. Cependant, on observe dans certaines régions des intoxications à la
morelle noire et, dans d’autres, une consommation sans dommages de la plante [36]. Ceci peut
s’expliquer par le fait que les teneurs en glucoalcaloïdes varient selon les régions où pousse la
plante et selon le stade de végétation, de plus, la toxicité des différents hybrides de morelle
noire existants est très variable.
L’épandage de fumier favorise la croissance de cette plante. Elle contamine
fréquemment les ensilages mais leur acidité entraîne une diminution de la teneur en solanine
de la plante (par hydrolyse de cette dernière).
Selon certains auteurs, ce ne serait pas tant la teneur en alcaloïdes de la plante qui
serait responsable des intoxications chez l’animal mais la forte teneur en nitrate de celle-ci
(jusqu’à 2,5%). La morelle noire contiendrait également des substances proches de
l’atropine.
Mode d’action :
L’α-solanine possède un pouvoir irritant et les glucoalcaloïdes provoquent des
contractions intenses des muscles lisses. Tout ceci concoure donc à l’apparition de troubles
digestifs violents (diarrhée et coliques).
Les glucoalcaloïdes ont par ailleurs une action inotrope positive sur le muscle cardiaque.
Au niveau cérébral, ils provoquent une augmentation de la pression intracrânienne (par
augmentation de la pression du liquide céphalo-rachidien) d’où les troubles nerveux qui
peuvent être observés.
La solanidine (issue de l’hydrolyse de la solanine) et la solasonine possèdent des
propriétés tératogènes qui s’expriment directement sur le foetus. Les doses toxiques pour un
embryon sont beaucoup plus faibles que celles citées ci-dessous.
Dose toxique :
Des troubles graves apparaissent à partir de 3 à 25 g de solanine pour 100 kg de
fourrage.
Circonstances d’intoxication :
La morelle noire représente 3,6% des appels de toxicologie végétale pour les ruminants
au CNITV (4,7% des appels pour les bovins, 1,1% pour les ovins et 1,1% pour les caprins). Il
s’agit de la quatrième cause d’appel de toxicologie végétale pour les ruminants au CNITV (avec
la fougère aigle et la mercuriale et après les glands, l’if et le thuya).
Graph.75. Répartition des appels concernant la morelle noire par espèce (données du CNITV : 141
appels)
Cette intoxication concerne surtout les bovins (sur les 141 appels au CNITV concernant
la morelle noire chez les ruminants, 90% impliquent les bovins et seulement 10% concernent
les ovins et les caprins).
La morelle noire contamine fréquemment les ensilages de maïs et plus rarement les
fourrages. En effet, elle est devenue résistante à certains herbicides du maïs tels que l’atrazine ou la simazine.
Les bovins peuvent ainsi être intoxiqués s’ils sont nourris par de l’aliment fortement contaminé par la plante
(plus de 10 à 15% du poids frais). La plante fraîche est par contre peu appétente pour le bétail car
elle a un goût acre et une odeur fétide.
Graph.76. Répartition annuelle des appels concernant la morelle noire (données du CNITV : 141 appels)
L’intoxication intervient le plus souvent en été (durant la période de fructification de
la plante). On constate effectivement que la majorité des appels au CNITV concernant la
morelle noire sont répartis d’août à octobre (pendant la période floraison et de fructification
de la plante).
Signes cliniques :
Les signes cliniques se manifestent après plusieurs jours de consommation :
- Signes généraux : diminution de la lactation, abattement, prostration
- Signes digestifs (plus ou moins graves) : anorexie partielle, ptyalisme, coliques,
diarrhée violente (noirâtre chez les bovins), constipation et iléus (lors d’ingestion
de grandes quantités), régurgitation chez les caprins
- Signes nerveux : ataxie, faiblesse musculaire progressive puis paralysie des
postérieurs, position en chien assis, trémulations musculaires, convulsions, coma
- Signes cardiaques : tachycardie puis bradycardie, oedème des parties déclives,
extrémités froides, pouls faible
- Signes respiratoires : tachypnée, dyspnée, jetage nasal
- Signes urinaires : urine foncée (albuminurie)
- Signes oculaires : mydriase
- Troubles de la reproduction : malformations foetales (hydrocéphalie, anencéphalie,
exencéphalie, fente palatine, spina bifida), résorptions embryonnaires et
avortements possibles.
Graph.77. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant la morelle noire
(n=141)
Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés lors des appels au CNITV
concernant la morelle noire sont des signes généraux (prostration dans 5,7%, décubitus dans
4,3% des cas, diminution de la production lactée dans 3,5% et hyperthermie dans 3,5% des
cas), des signes digestifs (diarrhée dans 8,5% des cas, anorexie dans 4,3% des cas et coliques
dans 4,3%) et de l’ataxie (dans 4,3% des cas).
Signes paracliniques :
On peut noter de l’albuminurie chez les bovins.
Evolution :
La mort survient après une phase de coma en trois à quatre jours. On peut
parfois observer des cas de mort subite (3,5% des cas au CNITV).
Lésions :
Les lésions sont non spécifiques :
- Gastro-entérite
- Néphrite et oedème périrénal
- Parfois, congestion hépatique et hypertrophie de la vésicule biliaire
- Parfois, congestion et emphysème pulmonaire
- OEdème du poitrail chez les bovins.
Diagnostic différentiel :
Il prendra en compte les affections et les intoxications responsables de troubles
digestifs, nerveux et cardio-vasculaires.
Diagnostic expérimental :
Il consiste en l’examen phyto-histologique des débris végétaux contenus dans le rumen.
Traitement :
Il n’existe pas d’antidote, le traitement est purement symptomatique :
- Adsorbants : charbon végétal activé
- Purgatif salin ou décoction de graines de lin
- Perfusion
- Pansements digestifs
- Analeptiques cardio-respiratoires : caféine, doxapram
- Tanins : précipitent le toxique dans le tube digestif.
Si un éleveur ne peut éviter d’utiliser de l’ensilage très contaminé (morelle noire
représentant plus de 10% de poids frais), on évitera de le distribuer aux jeunes animaux et
aux femelles en lactation, les autres animaux ne devront pas en recevoir plus de 20 kg/jour
pour 10% de contamination ou plus de 10 kg/jour pour une contamination de 20%, enfin on
essayera d’alterner la distribution d’ensilage très contaminé avec de l’ensilage de qualité non
contaminé (période de 10 à 15 jours) et on surveillera étroitement les animaux.
Pronostic :
Le pronostic est bon.
D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 28% chez les bovins (sur
807 bovins exposés), 20% chez les ovins (sur 46 ovins exposés) et 54% chez les caprins (sur
212 caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 3% chez les bovins, 15% chez les ovins et
8% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 11% chez les bovins, 78% chez les
ovins et 15% chez les caprins.