Chêne pédonculé (Quercus robur L. ou Q. pedunculata
Ehrh.) et Chêne sessile (Quercus sessiliflora L. ou
Q.sessilis Ehrh. ou Q. petraea Liebl.)
FAGACEES
Photos Chêne
Le chêne pédonculé et le chêne sessile sont les deux espèces de chêne les plus
communes en France. Dans une moindre mesure, on rencontre aussi sur le sol français le chêne
chevelu (Quercus cerris L.), le chêne vert (Quercus ilex L.), le chêne des marais (Quercus
palustris), le chêne pubescent (Quercus pubescens Willd.), le chêne tauzin (Quercus tozza
Bosc.), le chêne rouge d’Amérique (Quercus rubra L.), le chêne liège (Quercus suber L.), le
chêne faux-liège (Quercus pseudo-suber Rchb.) et le chêne à cochenille (Quercus coccifera
L.). [8]
Noms vernaculaires :
Chêne pédonculé :
Chêne à grappe, chêne femelle, chêne noir, chêne blanc, chêne d’été, gravelin, châgne [24].
Nom anglais : chesnut tree [24], english oak [16], oak [2].
Chêne sessile :
Chêne rouvre [9,13].
Nom anglais : oak [2].
Description botanique :
Le chêne est un arbre à feuilles caduques le plus souvent (sauf le chêne liège et le
chêne vert qui ont un feuillage persistant) [2,11,25]. Il atteint 20 à 40 mètres de hauteur
[9,13,24,36].
Le chêne pédonculé possède des feuilles lobées alternes, faiblement pétiolées
[2,9,11,16,24]. Les feuilles du chêne sessile sont, elles aussi, lobées et alternes mais sont
nettement pétiolées [2,9,11,16].
On distingue des fleurs mâles disposées en chatons pendants et des fleurs femelles qui
sont disposées seules ou par deux à cinq sur un pédoncule [2,16,24].
Les glands sont des fruits akénoïdes de 2,5 cm de long, verts puis brunâtres, entourés
par un involucre en cupule [2,11,16,24,25]. Selon qu’ils sont sessiles ou pédonculés, on parle de
chêne sessile ou pédonculé [9,11].
Biotope :
Le chêne pédonculé est l’espèce la plus commune en France, il affectionne les plateaux
calcaires du Massif Central et du sud de la Bourgogne et est moins répandu dans le nord de la
France que le chêne sessile [9,11,13,25]. Ces deux espèces sont rares dans le midi [13]. Le
chêne sessile est également rarement observé dans le quart sud-ouest de la France [13].
Période de floraison :
La floraison a lieu en avril-mai [13,36].
Biologie :
Les tanins contenus dans les glands sont des composés polyphénoliques thermostables
capables de se combiner aux protéines pour former des complexes insolubles [14,36]. Ces
propriétés étaient autrefois utilisées lors du tannage des peaux afin d’obtenir
l’imputrescibilité des cuirs, mais on préfère aujourd’hui utiliser des tanins minéraux à cet
effet car ils sont plus efficaces [9,13,36].
Parties toxiques de la plante :
Les parties toxiques sont les glands (en particulier la cupule de ceux-ci), les jeunes
feuilles et l’écorce dans une moindre mesure [2,9,11,13,14,23,24,25,27].
Les glands verts sont les plus toxiques [2,9,11,13,14,23,24,25,27]. De même, plus
l’arbre est jeune et plus ses glands sont toxiques [9,13,14,23,24,27]. De plus, le chêne
pédonculé est plus toxique que les autres espèces présentes en France. Enfin,
il faut noter que les chênes produisent plus de glands lors des années de sécheresse
[9,13,14,23,27]. On signale par ailleurs que la synthèse des tanins par la plante augmente avec
la pression de pâturage (système de défense du végétal), l’ensoleillement et la pauvreté du sol
[13].
Principes toxiques :
Ce sont les tanins galliques (casuarictine, castalagine, vescalagine, grandinine,
roburines) dont la teneur diminue avec le murissement des glands [9,13,14,23,25,27,33]. Les
glands contiennent environ 8% de tanins [13,23,24,27].
Mode d’action :
Leur action est double :
- Directe : précipitation des protéines (en particulier sous forme d’albuminates),
pouvoir astringent et tannage de la muqueuse digestive entraînant une diminution
des sécrétions et du péristaltisme digestif, ce qui a un effet constipant. Les tanins
inhibent également les enzymes digestives et perturbent le métabolisme ruminal,
ralentissant ainsi la digestion et contribuant à la constipation. Celle-ci peut se
compliquer secondairement d’une diarrhée brunâtre par modification du microbisme
digestif.
- Indirecte : après hydrolyse dans le rumen, on obtient de l’acide gallique puis du
pyrogallol et d’autres phénols, qui sont solubles et bien absorbés au niveau
intestinal. Ces métabolites ont des propriétés hémolysantes et un fort pouvoir
irritant et sont donc responsables de lésions rénales et hépatiques, ainsi que de
lésions nécrotiques de l’intestin. [9,13,14,23,24,25].
Pharmacocinétique :
Les différents métabolites des tanins (phénols et pyrocathécol) sont éliminés par voie
urinaire [13].
Dose toxique :
Elle n’est pas connue précisément [9,11,25]. L’ingestion de 1 kg de glands verts par jour
pendant 15 jours suffirait à intoxiquer un bovin [13]. En général, la toxicité apparaît après 7 à
15 jours de consommation chez les bovins [11,13,14,24,25,27]. Elle peut apparaître beaucoup
plus rapidement chez des animaux en mauvais état général ayant ingéré des quantités
phénoménales de glands en une seule fois, après un orage ou des vents violents, ou intervenir
jusqu’après quatre semaines de consommation [13,14,27].
Circonstances d’intoxication :
Les appels concernant les glands représentent 5,2% des appels de toxicologie végétale
pour les ruminants au CNITV (6,1% des appels pour les bovins, 3,9% pour les ovins et 2,1%
pour les caprins). Il s’agit de la deuxième cause d’appel de toxicologie végétale pour les
ruminants au CNITV (la première étant l’if).
Graph.13. Répartition des appels concernant les glands par espèce (données du CNITV : 200 appels)
Les bovins sont les plus touchés (sur les 200 appels au CNITV concernant les glands
chez les ruminants, 81% impliquent les bovins et seulement 13% et 6% impliquent
respectivement les ovins et les caprins), en particulier les plus jeunes (de 1 à 3 ans)
[2,9,13,14,23,24,25,27]. Il semblerait qu’il existe un phénomène d’accoutumance aux tanins
chez les bovins plus âgés [13,14]. Dans un troupeau, seuls quelques bovins présentent une
attirance immodérée pour les glands (animaux dits « toxicomanes » vis-à-vis des glands) et en
consomment une quantité suffisante pour s’intoxiquer [9,11,13,14,24,25].
Les ovins semblent peu sensibles à cette intoxication et les caprins sont rarement
atteints [9,11,13,25]. Ceci est lié au fait que les bovins, contrairement aux ovins et aux
caprins, ont une mastication hâtive et incomplète (on retrouve ainsi des glands entiers ou à
peine brisés dans le rumen des bovins morts intoxiqués) alors qu’une mastication complète
favorise la liaison des tanins aux protéines salivaires ce qui neutralise leurs effets [13,14]. De
plus, certaines chèvres possèdent une enzyme ruminale (la tannase) et des souches de
bactéries particulières dans leur flore digestive qui leur confèrent une protection contre les
tanins [13]. Il convient de noter que les ruminants sauvages sont également insensibles à cette
intoxication (flore digestive différente et existence de protéines se liant spécifiquement aux
tanins) [13].
Enfin, on sait que les ruminants sont plus sensibles à cette intoxication que les
monogastriques, ce qui est lié au fait que leur paroi digestive est plus perméable et que leur
flore est capable de dissocier les complexes tanins-protéines et d’assurer l’hydrolyse des
tanins en composés toxiques [9,13,14]. Ainsi, le porc n’est pas sensible à l’intoxication par les
glands qui sont même utilisés avec succès pour son alimentation [13].
L’intoxication survient en fin d’été et en automne (époque de l’apparition des glands) en
particulier lorsque l’herbe est rare et que des vents ou des orages importants font tomber les
glands encore verts [2,11,13,14,19,23,25,27,33]. Lorsque le gel ou la neige empêchent les
animaux d’avoir accès à l’herbe, on peut également observer une importante consommation de
jeunes pousses vertes ou d’écorce de chêne [2,11,19,25]. Des cas d’intoxication ont également
été décrits par ingestion d’eau dans laquelle des feuilles de chêne avaient macéré [2].
Graph.14. Répartition annuelle des appels concernant les glands (données du CNITV : 200 appels)
Les appels au CNITV pour les glands atteignent leur maximum durant les mois de
septembre à décembre ce qui correspond à la période de chute des glands.
Signes cliniques :
Forme bénigne :
Elle survient après une consommation de glands faible et pendant une courte période :
- Signes généraux : amaigrissement, prostration, faiblesse, grincements de dents,
pelage rugueux, mufle sec [2,9,14]
- Signes digestifs : anorexie partielle, refus de l’abreuvement, diminution de la
rumination, constipation parfois suivie de diarrhée sanglante et nauséabonde
[2,9,14]
- Signes cardio-vasculaires : pouls rapide mais faible [2].
Forme grave :
Elle apparaît après une à quatre semaines de consommation :
- Signes généraux : prostration souvent accompagnée d’hypothermie (hyperthermie
avec sudation très rarement), dos voussé (douleur rénale), chute de la production
lactée, amaigrissement, décubitus [2,9,11,13,14,24,25,27,33]
- Signes digestifs (les premiers signes à apparaître) : refus de l’abreuvement,
anorexie avec conservation de l’appétit pour les glands chez les bovins,
inrumination, constipation très marquée sans épreintes ni ténesme puis diarrhée
fétide, noirâtre (méléna), nauséabonde, avec parfois des caillots de sang ou des
débris de muqueuse digestive, hypersalivation, météorisation et coliques beaucoup
plus rarement [2,9,11,13,14,16,19,23,24,25,27,33]
- Signes urinaires discrets : dysurie, polyurie, pollakiurie, strangurie puis anurie,
urine trouble, jaune foncée à brun acajou, hématurie, hémoglobinurie
[2,9,11,13,14,19,23,24,27,33]
- Signes nerveux (en fin d’évolution) : tremblements (ou convulsions plus rarement)
dus à la phase urémique (néphrite aiguë), ataxie ou paralysie des postérieurs,
bruxisme, coma [9,11,14,19,23,24,25,27,33]
- Signes cardio-vasculaire (rares et tardifs) : oedème en région sous-ventrale, sousglossienne
ou en face postérieure des cuisses en particulier chez les petits
ruminants, épistaxis, hémorragies sous-cutanées, pouls rapide mais faible
[2,9,13,14,23,24,25,27]
- Troubles de la reproduction : avortement possible [13,14,23,24,27].
Graph.15. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant les glands (n=200)
Les signes digestifs constituent la majeure partie du tableau clinique rapporté lors des
appels au CNITV avec de la diarrhée plus ou moins hémorragique (41% des cas), de la
constipation (23% des cas), de l’anorexie (21,5% des cas) et de l’inrumination (11,5% des cas).
Une prostration est relevée dans 18% des cas et de l’ataxie dans 10% des cas.
Signes paracliniques :
On observe de l’hémoglobinurie, de l’hématurie, de l’albuminurie, de la créatinémie, de
l’urémie, une augmentation des transaminases, une anémie et une leucocytose ainsi qu’une
hypocalcémie, une hyperphosphatémie et une hyperkaliémie [2,9,11,13,14,23,24,25,27].
Evolution :
Pour la forme bénigne, l’évolution est en général favorable [9,14].
Pour la forme grave, elle est le plus fréquemment mortelle en quelques jours à trois
semaines [2,9,11,14,23,24,25]. La mortalité atteint 80% lorsque les troubles rénaux
apparaissent [27]. La diarrhée hémorragique est fatale dans 90% des cas et les formes
nerveuses et hémorragiques sont toujours fatales. On observe parfois des morts
subites ou très brutales chez les veaux et les ovins [13,14]. Il arrive très rarement que les
animaux survivent à cette intoxication, ils accusent alors un irrémédiable retard de
croissance et de production et peuvent succomber quelques mois à un an plus tard suite à une
décompensation rénale [9,13,14,23].
Lésions :
On peut observer :
- Une odeur urineuse de la carcasse due à l’atteinte rénale, une carcasse souvent
cachectique voire hydrocachectique, une congestion généralisée de la carcasse
[9,14,23,24,25,27]
- Une gastro-entérite hémorragique et un tannage de la muqueuse digestive, des
ulcères oesophagiens et ruminaux, des pseudo-membranes dans le tractus digestif
[2, 9,13,14,23,24,25]
- Une néphrite (signalée dans 13,5% des appels au CNITV), des oedèmes périrénaux,
des hémorragies périrénales ou des pétéchies rénales et une hypertrophie des
reins [2,9,13,14,23,24,25,27]
- Une congestion hépatique souvent associée à une dégénérescence graisseuse
[9,13,14,23,27]
- Des épanchements pleuraux et abdominaux en particulier chez les ovins [2,9,13,24]
- Plus rarement : des oedèmes ou des hémorragies sous-cutanés, des pétéchies au
niveau des séreuses, de l’endocarde ou de l’épicarde et une atteinte dégénérative
des muscles [9,13,24,27].
Diagnostic différentiel :
Il se fera avec les intoxications et les maladies infectieuses responsables de troubles
digestifs majeurs :
- Intoxication par les châtaignes : dans ce cas, on note une diarrhée blanc-jaunâtre
et une paraplégie
- Intoxication par le colchique : le tableau clinique peut être assez similaire à celui
observé lors de l’intoxication par les glands (principalement troubles digestifs et
urinaires), on observe une diarrhée fétide blanchâtre ou hémorragique
accompagnée de ténesme ainsi que des troubles cardio-respiratoires (tachycardie,
bradypnée), mais pas d’atteinte rénale
- Intoxication par la mercuriale : le tableau clinique est là encore très proche mais la
diarrhée très liquide observée est en jet du fait de spasmes du sphincter anal
- Coccidiose : l’entérite hémorragique est alors accompagnée d’un ténesme et
d’épreintes très importants
- BVD dans sa forme hémorragique : on constate alors, en plus de la diarrhée
bulleuse, muqueuse et hémorragique, la présence de jetage et de nombreux ulcères
sur les muqueuses digestives. [9,14,23]
Diagnostic expérimental :
On peut observer des glands en grande quantité dans le contenu ruminal [9,13,25]. On
peut également mettre en évidence la présence de tanins dans le contenu ruminal en réalisant
un test au FeCl3 qui entraîne la formation d’une précipité bleu-violacé au contact des tanins
[9,23,14]. On peut aussi doser les tanins dans le sang de l’animal, mais cela est très peu
réalisé en pratique [9].
Traitement :
Une ruminotomie d’urgence peut être réalisée sur les animaux ne présentant pas
encore de signes cliniques [13].
Le traitement médical est le plus souvent illusoire et reste purement symptomatique :
- Diète hydrique [9,13,14]
- Charbon végétal activé [2]
- Laxatif si constipation [9,13,14,16,19,23,24,25,27,33] ou pansements digestifs si
diarrhée [13,14,27,33]
- Perfusion (glucose et bicarbonates pour lutter contre l’acidose) et réhydratation
par voie orale [2,9,13,14,16,19,23,24,25,27], voire transfusion si nécessaire [2]
- Diurétiques [9,13,14,16,19,23,24]
- Analeptiques cardiaques : caféine, heptaminol [9,14,25,27]
- Hépatoprotecteurs [14,24,25,27]
- Administration d’oxyde de calcium, de gluconate de calcium ou de phosphate
bicalcique aux animaux les moins atteints afin de diminuer la toxicité des tanins
(oxydation des polyphénols en quinones qui sont beaucoup moins toxiques)
[13,14,23]
- Stimulants de la motricité digestive [13,23,24]
- Xylazine si troubles nerveux [33]
- Anti-inflammatoires [13]
- Antibiothérapie si complications bactériennes [13,24]
Il reste préférable de prévenir l’intoxication (changement de pâture, alimentation
complémentaire en période de disette, taille des chênes, labourage pour enfouir les glands,
identification des sujets friands de glands) [9,13,14,23,25,27].
Pronostic :
Le pronostic est très sombre [9,13,14,19,23,24,25,27,33]. Si l’urémie est comprise
entre 1 et 3g/l le pronostic est réservé, si elle est supérieure à 3g/l (50mmol/l), l’issue est
généralement fatale [9,13,14,23,24,27,33].
D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 47% chez les bovins (sur
2214 bovins exposés), 12% chez les ovins (sur 1199 ovins exposés) et 25% chez les caprins
(sur 160 caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 11% chez les bovins, 6% chez les
ovins et 12,5% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 24% chez les bovins,
54% chez les ovins et 50% chez les caprins.
Version : 2009