Fougère aigle (Pteridium aquilinum L.)
HYPOLEPIDACEES
Photos Fougère aigle
Noms vernaculaires :
Grande fougère, fougère impériale, fougère grand aigle, mains de Saint-Jean (frondes)
[24, 27].
Nom anglais : bracken fern, bracken, brake fern, hog brake [2, 16, 24].
Description botanique :
La fougère aigle est une fougère vivace pouvant atteindre 40 à 200 cm de hauteur, il
s’agit de la plus grande des fougères françaises et l’une des plus communes [11,16,24,25,36].
Le rhizome est épais, robuste, noir, rampant et très profond rendant sa destruction
difficile [2,24,25].
Les frondes sont coriaces, couvertes de poils brunâtres, triangulaires, divisées trois ou
quatre fois et sortant de terre par un pied isolé [2,11,16,24,25].
A maturité, la face inférieure des pinnules est bordée par un cordon brun continu de
sporanges [2,16,25]. Cette disposition caractéristique permet de différencier la fougère aigle
des autres espèces de fougères. Les sporanges sont partiellement recouverts par les
bords légèrement enroulés des divisions des frondes (formant une indusie ciliée) [2,11,16,25, 36].
Biotope :
Cette fougère est très abondante dans les terrains siliceux acides, frais ou secs, en
plaine et en montagne jusque vers 1700 m d’altitude, on la trouve donc dans le Massif Central,
la Bretagne, les Vosges et dans les départements des Pyrénées Atlantiques et de l’Hérault
[2,24,25,36]. Elle peuple les forêts de résineux, de feuillus ou les forêts mixtes, ainsi que les
coupes et les landes [2,11,16,36]. Elle forme alors des colonies pures, denses et étendues,
évinçant souvent les autres plantes [24,36].
Période de floraison :
Cette plante croît de juillet à octobre [11,36].
Biologie :
Le rhizome profond et les réserves qu’il contient permettent une multiplication
végétative [36]. Les frondes desséchées persistent tout l’hiver [36].
Parties toxiques de la plante :
Toute la plante est toxique (en particulier les plantes jeunes) et conserve sa toxicité
après dessiccation [2,9,24,27]. Le rhizome est plus toxique que les frondes [2,24].
Principes toxiques :
On trouve :
- Le ptaquiloside, glucoside à aglycone sesquiterpénique, mutagène et cancérigène,
activé en milieu alcalin (urines alcalines des bovins) et par les cellules vésicales
[2,11,16,24,25]. La teneur en ptaquiloside est variable selon le lieu et l’époque de la
récolte et oscille entre 0,02 et 1% [11].
- Une thiaminase très active (enzyme hydrolysant la vitamine B1) mais qui
n’intervient pas dans la genèse de l’intoxication chez les bovins puisque de la
thiamine est produite par la flore bactérienne du rumen [2,24,25].
- Du prunasoside [24]
- Des tanins [24]
- De l’acide shikimique [24].
Le lait de vache consommant de la fougère aigle serait cancérigène chez l’homme
(cancers de l’oesophage et de l’estomac) [24].
Dose toxique :
On note un effet cumulatif : l’intoxication se manifeste après plusieurs semaines de
consommation importante de la plante dans le cas de la forme aiguë et après plusieurs années
de consommation de faibles quantités de la plante pour la forme chronique [11,24,25,27]. Le
syndrome hémorragique (forme aiguë) peut être reproduit après 3 mois de consommation de
30 à 40 g/kg de plante fraîche par jour [11,24]. L’hématurie (forme chronique) peut, quant à
elle, être reproduite après 1 an et demi de consommation de 2 à 3 mg/kg de plante sèche par
jour [11,24].
Circonstances d’intoxication :
Les appels concernant la fougère aigle représentent 3,6% des appels de toxicologie
végétale pour les ruminants au CNITV (4,5% des appels pour les bovins, 1,7% pour les ovins et
1,1% pour les caprins). Il s’agit de la quatrième cause d’appel de toxicologie végétale pour les
ruminants au CNITV (avec la mercuriale et la morelle noire et derrière le thuya, les glands et
l’if).
Graph.43. Répartition des appels concernant la fougère aigle par espèce (données du CNITV : 136
appels)
Cette intoxication touche quasi exclusivement les bovins [11,24,27]. Sur les 136 appels
au CNITV concernant la fougère aigle chez les ruminants, 88% impliquent les bovins et
seulement 8% et 4% impliquent respectivement les ovins et les caprins. La forme aiguë
affecte surtout les jeunes bovins de six mois à un an et la forme chronique touche plutôt les
bovins relativement âgés (fréquence maximale vers 6-7ans) [25].
La forme chronique est endémique dans les zones signalées [25]. Elle est induite par
plusieurs années de consommation de fougère, à l’extérieur ou dans le foin [2,11,16,19,25,27].
La forme aiguë est liée à l’utilisation de fougère comme litière ou à sa consommation
importante à l’extérieur lors de disette fourragère [2,11,16,19,25,27]. Il semblerait par
ailleurs que la fougère soit broutée avec avidité à un stade précoce de développement pour
être délaissée par la suite [11].
Graph.44. Répartition annuelle des appels concernant la fougère aigle (données du CNITV : 136 appels)
Les appels au CNITV concernant la fougère aigle sont répartis sur toute l’année.
Signes cliniques :
Forme aiguë ou hématidrose ou maladie de Kerdiles ou ptéridisme :
Les signes cliniques se manifestent après quelques semaines à deux ou trois mois de
consommation :
- Signes généraux : hyperthermie, abattement, amaigrissement
[2,11,16,24,25,27,33]
- Signes digestifs : anorexie, ptyalisme, diarrhée hémorragique [2,11,24,25,27,33]
- Signes cardio-vasculaires : muqueuses pâles avec pétéchies, oedème sous-glossien
[2,24,27,33]
- Signes respiratoires : jetage nasal hémorragique, dyspnée [2,11,24,25,27,33]
- Signes urinaires : hématurie [2,19,24,25,27,33]
- Signes cutanés : transsudat cutané hémorragique ou « sueurs de sang »
[24,25,27,33]
Cette forme est peu fréquente chez le mouton ainsi que chez les bovins charolais
[11,24,27].
Forme chronique ou hématurie chronique :
- Signes généraux : amaigrissement, diminution de la production lactée [11,24]
- Signes digestifs : anorexie partielle [11,24]
- Signes cardiovasculaires : anémie marquée, uniquement due à la perte sanguine
vésicale [11,24,25]
- Signes urinaires : hématurie discontinue, de durée très variable, entrecoupée de
périodes de rémission d’une durée encore plus variable (de quelques jours à
plusieurs années) [2,11,24,25]. L’hématurie à tendance à devenir continue en phase
terminale [11].
Chez le mouton, cette forme s’accompagne d’une dégénérescence rétinienne [11,24].
Graph.45. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant la fougère aigle
(n=136)
L’hyperthermie est le signe le plus fréquemment signalé lors des appels au CNITV
concernant la fougère aigle (35,3% des cas). De l’anémie est rapportée dans 22,1% des cas. La
diarrhée observée est le plus souvent hémorragique (23,5% des cas) mais on remarque parfois
l’absence de sang dans les selles diarrhéiques (10,3% des cas). Enfin, du jetage hémorragique
est signalé dans 19,1% des cas et une prostration est relevée dans 14% des cas.
Signes paracliniques :
On note de l’hématurie, de l’anémie ainsi qu’une agranulocytose, une thrombocytopénie
et une leucopénie [2,19,24,25,27]. La moelle osseuse montre une aplasie des lignées
granulocytaire et thrombocytaire [24,27].
Evolution :
Le ptéridisme entraîne la mort de l’animal en 4 à 10 jours dans 95% des cas [24,27].
L’hématurie chronique évolue lentement et la déchéance physiologique ou les complications
urinaires qui en découlent finissent par provoquer la mort de l’animal [25].
Lésions :
On observe :
- Une pâleur généralisée de la carcasse [2,19,24,25,27,33]
- Des hémorragies plus ou moins généralisées [2,19,24,27]. Les hémorragies et les
pétéchies d’organes sont d’ailleurs souvent signalées lors des appels au CNITV
(dans respectivement 33,1 et 28,7% des cas).
- Une cystite hémorragique diffuse ou des tumeurs de taille variable (0,5 à 5 cm),
blanc grisâtre (adénomes, carcinomes ou papillomes) ou rouge foncé (hémangiomes
et hémangiosarcomes) [2,11,19,24,25]
- Des ulcères au niveau de la caillette ou de l’intestin [2,24,27]
- Un transsudat rosé dans les séreuses [24]
- Une aplasie de la moelle épinière [2]
- Une atrophie rétinienne chez le mouton [24].
Diagnostic différentiel :
Il devra tenir compte de la BVD dans sa forme hémorragique, de l’intoxication aux
coumariniques (férule, mélilot moisi), de l’intoxication par les rodenticides anti-vitamine K
(très rare chez les ruminants), de l’anaplasmose et de l’ehrlichiose.
Diagnostic expérimental :
On peut procéder à l’identification macroscopique ou microscopique des fragments
végétaux présents dans le contenu ruminal.
Traitement :
Forme aiguë :
- Transfusion sanguine précoce pour apporter des facteurs de coagulation
(traitement de choix, indispensable si hématocrite inférieur à 12% ou inférieur à
15% et protéines totales inférieures à 35 g/l) : 4 à 10 litres pour un bovin adulte et
0,4 litre pour un veau (sang recueilli d’un bovin non malade sur citrate de sodium à
3% soit 100 ml de citrate pour 400 ml de sang) [2,19,24,25,27,33]
Certains auteurs préconisent également l’utilisation de :
- Stimulants de la moelle osseuse [19]
- Antibiotiques à large spectre [2,24,27]
- Antipyrétiques [33]
- Antihistaminiques [24,27]
- Protamine sulfate (1%) [2]
- Diurétiques [24].
Forme chronique :
- Retrait de l’animal des zones contaminées et changement de l’alimentation pour
obtenir une phase de rémission afin de préparer l’animal à la boucherie dans de
bonnes conditions [25].
Pronostic :
Le traitement est illusoire et il n’y a pas de guérison possible [19,25,27].
D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 56% chez les bovins (sur
1893 bovins exposés), 56% chez les ovins (sur 877 ovins exposés) et 45% chez les caprins
(sur 44 caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 16% chez les bovins, 46% chez les
ovins et 5% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 29% chez les bovins, 81%
chez les ovins et 10% chez les caprins.
De nos jours, les animaux sont conduits à l’abattoir avant le stade terminal, ce qui
explique que les taux de létalité obtenus pour cette intoxication ne soient pas de 100% (les
animaux étant abattus avant de mourir de l’intoxication par la fougère) [25].
Utilisations diverses :
Les frondes sèches sont parfois utilisées comme litière pour le bétail, leur usage est
néanmoins déconseillé du fait de la gravité des troubles qui peuvent résulter de leur
consommation [27,36].
Version : 2009