Datura stramoine (Datura stramonium L.) et Daturas
ornementaux (
Datura sp. et Brugmansia sp.)

SOLANACEES
Photos Datura

Noms vernaculaires [2, 8,11, 16, 24,27,28,33] :
  Stramoine, pomme épineuse, datura commun, endormie, herbe aux sorciers, herbe du diable,
herbe aux taupes.
  Nom anglais : thorn apple, jimson weed, jamestown weed, devil’s trumpet, mad apple,
stink weed.

Description botanique [2, 11, 16, 18, 24, 28, 30, 36] :
  Datura stramoine :
  Le datura stramoine est une plante annuelle vigoureuse, atteignant 30 à 160 cm de
hauteur, et dont la racine est blanche, épaisse et de type pivotant.
  La tige est arrondie, rigide, dressée et le plus souvent ramifiée.
  Les feuilles, longuement pétiolées, sont profondément découpées en lobes inégaux
pointus et sont marquées à leur face inférieure par des nervures saillantes. Elles
sont vert foncé, molles et glauques et peuvent mesurer jusqu’à 20 cm de long.
  Elles dégagent une odeur nauséabonde au froissement qui s’atténue avec la dessiccation.
  Les fleurs, solitaires ou par deux, sont portées à l’aisselle des feuilles. Elles
mesurent 5 à 10 cm de long et le calice atteint 3 à 5 cm de diamètre. On distingue
cinq sépales plissés et une corolle blanche, plissée également et évasée en entonnoir.
  Le fruit est une capsule globuleuse fortement épineuse mesurant 4 à 7 cm de long.
  Il possède quatre valves épaisses et contient de nombreuses petites
graines noires, réniformes, à surface réticulée.


  
Variétés ornementales :
  Ces variétés se présentent souvent sous forme d’arbres ou d’arbustes de 2 à 3 mètres
de haut pourvus de larges feuilles molles et velues. Elles sont appréciées dans les jardins pour
leurs grandes fleurs en forme de trompette, dressées ou pendantes répandant un parfum
suave et dont la couleur peut varier du blanc au rouge, en passant par le jaune ou le violet (il
existe également des variétés bicolores).


Biotope [2, 11, 16, 18, 24, 28, 36] :
  Le datura stramoine est très commun en France et se rencontre dans les terrains
vagues et les friches. Il est également souvent adventice des cultures
maraîchères et céréalières ce qui pose un problème de contamination des fourrages et des
ensilages. Il apprécie les sols riches en éléments nutritifs et en nitrates.
  Les espèces arborescentes (Datura sp. et Brugmansia sp.) sont plantées à des fins
ornementales dans les jardins publics et privés.

Période de floraison [18,24,36] :
  Le datura fleurit de juillet à octobre.

Parties toxiques de la plante [2, 6, 9, 16, 24, 27, 28, 33]:
  Toute la plante est toxique et en particulier les fleurs, les feuilles et les graines.
  La quantité d’alcaloïdes contenus dans les différentes parties de la plante
varie selon l’âge de celle-ci et selon l’espèce concernée. La plante conserve sa toxicité
après dessiccation.

Principes toxiques [2, 6, 16, 24, 27, 28, 33] :
  Les feuilles du datura stramoine contiennent 0,2 à 0,6% d’alcaloïdes totaux par
rapport à la matière sèche, les graines en contiennent 0,2 à 0,5%, les fleurs ou la tige 0,1 à
0,5% alors que les racines en possèdent seulement 0,06 à 0,1%. Ces alcaloïdes sont des
dérivés du tropanol :
- Atropine
- Hyoscyamine, prédominante dans la plante à maturité
- Scopolamine (ou L-hyoscine), prédominante dans la plante jeune et seul alcaloïde
présent dans la racine.
- Et d’autres encore…
  Cette plante contient également des tanins et des nitrites.

Mode d’action [2, 6, 16, 24, 27, 28, 33] :
L’atropine et la hyosciamine possèdent un antagonisme compétitif avec l’acétylcholine
au niveau des récepteurs muscariniques (l’acétylcholine conserve par contre ses effets
sympathomimétiques et nicotiniques), ce sont donc des parasympatholytiques :
- Le tonus vagal cardiaque étant ainsi supprimé, cela provoque une tachycardie
sinusale.
- Les contractions musculaires lisses sont également inhibées ce qui est à l’origine
d’un arrêt du péristaltisme digestif avec stase, d’une rétention urinaire par
hypertonicité du sphincter et paralysie du detrusor urinae, d’une dilatation
bronchique et d’une mydriase.
- On assiste à un tarissement des sécrétions lacrymales, buccales et bronchiques.
- L’atropine et l’hyosciamine ont également des effets centraux provoquant ainsi une
alternance de phases d’excitation et de prostration associées à des hallucinations.
  Elles provoquent également une hyperthermie d’origine centrale.
  La scopolamine a également des effets parasympatholytiques mais ils sont moins
marqués. Elle a une action dépressive, hypnotique et amnésiante qui entraîne à forte dose des
troubles de la locomotion (ainsi que des troubles de l’élocution et une diminution des facultés
intellectuelle chez l’homme).
  Les principes toxiques du datura n’auraient par contre pas de pouvoir tératogène.

Pharmacocinétique [2, 36]:
  L’absorption digestive est prolongée grâce à l’iléus induit par les principes toxiques.
Ces derniers sont ensuite métabolisés par le foie.

Dose toxique [24, 28] :
- La dose toxique chez les bovins est de 600 à 900 mg de graines par kilo de poids
vif. La mort serait possible pour une dose excédant 0,09% du poids vif de
l’animal.
- Chez les ovins, la dose létale a été évaluée à 10 g de plante par kilo et par jour
pendant 38 jours, les signes cliniques apparaissant après 2 à 3 jours de
consommation.
- Chez les caprins, la dose toxique a été évaluée de 2,5 à 10 g de plante par kilo et
par jour pendant 110 à 136 jours. Cependant, certains animaux étaient
restés asymptomatiques durant cette période.


Circonstances d’intoxication [2, 11, 16, 27, 28] :
  Les appels concernant le datura représentent 1,6% des appels de toxicologie végétale
pour les ruminants au CNITV (1,9% des appels pour les bovins, 0,9% pour les ovins et 1,1%
pour les caprins).


Graph.34. Répartition des appels concernant le datura par espèce (données du CNITV : 63 appels)

  Cette intoxication concerne principalement les bovins. Sur les 63 appels au CNITV
concernant le datura chez les ruminants, 80% impliquent les bovins et seulement 10%
impliquent les ovins ou les caprins.
  L’intoxication est rarement due à la plante fraîche car son odeur et sa saveur semblent
dissuasifs (sauf en période de disette). On décrit par contre des cas
d’intoxication par du fourrage ou des grains contaminés (maïs, soja). De plus,
le datura est par nature résistant aux herbicides destinés à préserver la pomme de terre
(comme le 2,4-D) car il appartient à la même famille que celle-ci (les Solanacées). Il
colonise donc les champs de pomme de terre après arrachage à ces dernières. Son
arrachage et son broyage peuvent alors contaminer l’environnement et favoriser les
intoxications par les aliments contaminés.


Graph.35. Répartition annuelle des appels concernant le datura (données du CNITV : 63 appels)

  Les appels au CNITV concernant le datura se regroupent de juin à mars, ils couvrent
donc la période de floraison de la plante et la période de distribution hivernale des fourrages
contaminés.

Signes cliniques [2, 6, 11, 16, 24, 27,28, 33] :
Les signes apparaissent quelques minutes à quelques heures après ingestion, on assiste
à un syndrome atropinique semblable à celui observé dans l’intoxication par la belladone :
- Signes généraux : prostration, décubitus, hyperthermie
- Signes digestifs : anorexie, sécheresse des muqueuses, inrumination, constipation
voire impaction, iléus, météorisation, ténesme
- Signes cardio-vasculaires : tachycardie
- Signes respiratoires : tachypnée, dyspnée
- Signes nerveux : tremblements, ataxie, hyperexcitabilité, hyperesthésie,
hallucinations, convulsions
- Signes oculaires : mydriase voire cécité
- Signes urinaires : polyuro-polydipsie ou rétention urinaire.


Graph.36. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant le datura (n=63)

  Les signes cliniques relevés lors des appels au CNITV sont très variables et très
nombreux. Seule l’ataxie est citée dans plus de 10% des cas (12,6% des cas). Au niveau des
signes généraux, on note un décubitus dans 7,9% des cas. Pour les signes digestifs, on cite le
plus souvent de la constipation (9,5% des cas), de l’anorexie (7,9% des cas) et du météorisme
(7,9% des cas). Des signes nerveux tels que des trémulations musculaires sont rapportés dans
7,9% des cas. Au niveau oculaire, une cécité est le plus fréquemment signalée (9,5% des cas).

Signes paracliniques [24, 28] :
  On peut noter une légère anémie normochrome et normocytaire, une hypomagnésémie
et une augmentation des transaminases.

Evolution [24] :
  L’évolution est rarement mortelle et la guérison survient en 2 à 6 jours [24]. Des cas
de morts subites sont parfois signalés au CNITV (6,3% des cas).

Lésions [6, 24, 28] :
Elles sont non spécifiques. On observe :
- Une congestion de la rate, des reins, des poumons et des méninges
- Des pétéchies péricardiques
- Un oedème pulmonaire
- Une dégénérescence hépatique et rénale
- Un hydropéritoine et un hydrothorax chez les caprins.

Diagnostic différentiel [28] :
  Il comprendra les intoxications dues aux autres plantes de la famille des Solanacées
contenant des alcaloïdes à noyau tropane (pour lesquelles le traitement est de toute façon
identique).


Diagnostic expérimental [11,28] :
  On peut réaliser une identification macroscopique ou microscopique des fragments
végétaux présents dans le contenu ruminal.


Traitement [2, 6, 24, 27, 28, 33] :
On préconise l’utilisation de :
- Adsorbant : charbon végétal activé
- Purgatif salin : sulfate de soude
- Perfusion
- Diazépam (VALIUM®) ou barbituriques ou xylazine si nécessaire.
Les phénothiaziniques, les opiacés et les morphiniques sont à proscrire car ils
aggravent l’intoxication.
- Analeptique respiratoire : doxapram
- Iodure de potassium, tanins.
  Il est déconseillé d’administrer des antagonistes de l’atropine même si certains
auteurs proposent l’utilisation de l’ésérine ou physostigmine (FELIGASTRYL
®), de la
pilocarpine ou de la muscarine car leur posologie n’est pas facilement adaptable aux ruminants
(et doit être très faible) et ils ne sont pas dénués d’effets secondaires, on préférera donc le
traitement symptomatique (plus sûr).
  On peut prévenir la contamination des fourrages et des ensilages par l’utilisation
d’herbicides spécifiques du datura.


Pronostic [24,28] :
  Il est réservé mais cette intoxication est rarement mortelle chez les ruminants
(contrairement au cheval).
  D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 21% chez les bovins (sur
533 bovins exposés), 2% chez les ovins (sur 155 ovins exposés) et 84% chez les caprins (sur
13 caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 6% chez les bovins, 1% chez les ovins et
62% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 30% chez les bovins, 33% chez
les ovins et 73% chez les caprins.


Utilisations pharmaceutiques [11, 28]:
On utilise les feuilles du datura stramoine afin de préparer de la poudre de datura
officinale dont les emplois sont réduits.
La scopolamine ou ses dérivés de synthèse (N-butyl hyoscine) ont des propriétés
spasmolytiques mises à profit dans certains médicaments antispasmodiques (ESTOCELAN
®).