Glycérie aquatique (Glyceria aquatica Wahlbg.)
POACEES
Voir Plantes cyanogénétiques
Photos glycérie aquatique
Noms vernaculaires [24, 36] :
Grande glycérie (Glyceria maxima), glycérie panachée.
Nom anglais : sweet grass.
Description botanique [24, 25, 27, 36] :
La glycérie aquatique est une espèce robuste, spontanée et vivace, ressemblant à un
roseau, et dont la tige dressée atteint 80 à 250 cm de hauteur.
Les feuilles, longues et larges, possèdent une extrémité acuminée et une gaine
cylindrique.
Les fleurs verdâtres et panachées de violet sont disposées en grands panicules rameux
et bien fournis. Les épillets, aplatis et mesurant 4 à 8 mm de longueur, sont
nombreux et comportent cinq à huit fleurs chacun.
Biotope [24, 25, 36] :
La glycérie pousse en plaine dans les zones marécageuses et au bord des eaux lentes et
stagnantes. Elle est également fréquemment rencontrée dans les bassins
d’ornement.
Période de floraison [36] :
La glycérie fleurit de juillet à août.
Biologie [24, 36] :
Cette plante a un rôle d’épurateur de l’eau, sa prolifération indique une pollution et une
eutrophisation de l’eau.
Parties toxiques de la plante [24] :
Toute la plante est toxique.
Principes toxiques [24, 25, 27] :
La glycérie contient un hétéroside cyanogénétique, la durrhine, qui donne par hydrolyse
de l’acide cyanhydrique (HCN).
Dose toxique [24, 25, 27, 33] :
Les teneurs en acide cyanhydrique pour une même espèce sont très variables suivant
l’âge de la plante, les terrains et les conditions météorologiques. La teneur en HCN dans
la plante fraîche varie de 0,06 à 0,2 g/kg soit 3 à 4 mg d’HCN par plante.
- La dose létale de la glycérie aquatique est de 2,5 kg de feuilles pour un bovin de
500 kg.
- Elle est de 2 à 4 g de plante fraîche par kilo pour les ovins.
Circonstances d’intoxication [14, 21, 25, 27] :
Les appels concernant la glycérie représentent 0,2% des appels de toxicologie végétale
pour les bovins au CNITV.
Graph.49. Répartition des appels concernant la glycérie par espèce (données du CNITV : 5 appels)
Bien que seuls les bovins fassent l’objet d’appels au CNITV concernant la toxicologie
de cette plante, les ovins sont également sensibles à cette intoxication.
L’intoxication par la glycérie aquatique a lieu au pré pendant les périodes de
sécheresse lorsque seules les zones humides sont encore vertes ou pendant l’hiver par le biais
de fourrages contaminés.
Graph.50. Répartition annuelle des appels concernant la glycérie (données du CNITV : 5 appels)
Les cinq appels au CNITV concernant la glycérie ont eu lieu pendant la période de
floraison et de persistance des parties feuillues de la plante pour quatre d’entre eux, à savoir
de juillet à septembre, et en novembre pour le dernier (peut-être suite à la distribution de
fourrage contaminé en stabulation hivernale).
Signes cliniques :
Forme suraiguë [24, 25, 27, 33] :
Mort foudroyante en 1 à 2 minutes précédée de quelques convulsions cloniques.
Forme aiguë :
C’est la plus fréquente. Dans les minutes qui suivent l’ingestion, on observe :
- Des signes généraux : abattement, décubitus
- Des signes cardio-vasculaires : congestion et cyanose des muqueuses, tachycardie
- Des signes nerveux : tremblements, voire convulsions tono-cloniques, ataxie
- Des signes respiratoires : polypnée, respiratoire stertoreuse, dyspnée, asphyxie
- Des signes oculaires : mydriase, nystagmus.
Forme chronique [25] :
Elle est plus rare et est liée aux ions thyocyanates provenant du métabolisme de HCN
qui provoquent l’apparition d’un goitre.
Graph.51. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant la glycérie (n=5)
Les appels au CNITV concernant la glycérie étant très peu nombreux, les données
cliniques récoltées sont peu fiables. En effet, si la dyspnée (et la température normale) font
partie du tableau clinique classique des intoxications par les plantes cyanogénétiques, la
présence d’une hépatite avec ictère ne peut, quant à elle, être facilement expliquée par les
effets néfastes de l’acide cyanhydrique sur l’organisme.
Evolution [24, 25, 27] :
En fonction de la quantité ingérée, la mort peut survenir en quelques heures, elle peut
même être très brutale en cas d’intoxication suraiguë. Une mort subite a été
rapportée dans un cas sur les cinq signalés lors des appels au CNITV. Certaines ingestions de
faibles quantités restent parfaitement asymptomatiques.
Lésions [24, 25, 27] :
On observe :
- Un sang laqué très rouge vif (rarement observé en pratique)
- Une congestion et une cyanose des muqueuses
- Un oedème pulmonaire
- Parfois : un signe de l’araignée dans les tissus conjonctifs sous-cutanés
- Des muscles foncés (anoxie tissulaire).
Le contenu ruminal a une odeur d’amande amère.
Diagnostic différentiel [9] :
Il comprend les autres causes de mort subite ou de mort rapide avec troubles nerveux
et asphyxiques :
- L’emphysème ou l’oedème aigu du poumon : on observe également des signes
d’asphyxie mais l’auscultation pulmonaire est alors caractéristique
- L’entérotoxémie : les lésions nécropsiques permettent de l’identifier facilement
- Les intoxications par les toxiques méthémoglobinisants (chlorate de soude) : la
phase terminale est semblable à celle observée dans l’intoxication par les plantes
cyanogénétiques mais le sang a une couleur brun chocolat caractéristique.
Diagnostic expérimental [25, 27] :
On peut doser l’acide cyanhydrique sur le contenu ruminal ou les végétaux (si le
contenu ruminal est prélevé rapidement après la mort et congelé immédiatement). On
peut également procéder à l’identification macroscopique voire microscopique des débris
végétaux présents dans le contenu ruminal.
Traitement [6, 9, 19, 24, 25, 27, 33] :
Il est illusoire compte tenu de la rapidité d’évolution de l’intoxication :
- Charbon végétal activé
- Pansements digestifs
- Perfusion
- Vitamine B12
- Injection intraveineuse de bleu de méthylène (2 mg/kg en solution à 2%) pour
transformer l’hémoglobine en méthémoglobine et favoriser la formation d’un
complexe stable de cyanméthémoglobine. Il faut alors veiller à ne pas dépasser 30%
de méthémoglobine dans le sang pour lui préserver ses capacités de
transport de l’oxygène. De plus, chez les bovins, des corps de Heinz ont
tendance à se former sous l’effet du bleu de méthylène.
- Ou injection de tétracémate dicolbaltique qui est rarement disponible en pratique
(KELOCYANOR® 20 à 25 mg/kg IV)
- Ou utilisation de thiosulfate de sodium (ou hyposulfite de sodium, 3 g/100 kg IV
chez les bovins et 2 g/brebis IV chez les ovins) pour favoriser la formation d’ions
thyocyanates, mais il n’existe aujourd’hui plus de spécialités commercialisées en
médecine vétérinaire contenant ce principe actif et il est réservé, en médecine
humaine, à la pratique hospitalière (on le trouve également dans quelques
spécialités humaines mais à des concentrations inutilisables pour le traitement des
ruminants).
Le CNITV conseille d’éviter le nitrite de sodium car il entraîne une méthémoglobinémie
beaucoup plus importante et donc plus dangereuse que le bleu de méthylène.
Pronostic [25] :
Il est très sombre lorsque les symptômes sont installés. En fonction de la quantité
ingérée, on peut observer la mort en quelques heures.
D’après les données du CNITV, chez les bovins, le taux de morbidité atteint 48% (sur
23 bovins exposés), le taux de mortalité s’élève à 35% chez les bovins et le taux de létalité
atteint quant à lui 73%.