Mercuriale annuelle (Mercurialis annua L.)

EUPHORBIACEES
Photos Mercuriale
Noms vernaculaires :
  Mercuriale officinale, foirolle, foiroude, chiole, caquenlit, ortie morte,
ortie bâtarde, blé foireux, rimberge, ramberge, aremberge, vignette, leuzette, liseutte,
chenièvre sauvage, marquois, vignoble, chou de chien, cigarelle [
11, 24,25].
  Nom anglais : annual mercury [
11, 24, 25].

Description botanique :
  La mercuriale annuelle est une plante herbacée annuelle, dioïque, de 10 à 50 cm de
hauteur [
1,11,23,25,27,33,36]. Elle dégage une odeur désagréable lorsqu’on la froisse
[
3,24,25].
  La tige est quadrangulaire, dressée, ramifiée et glabre, sans latex [
1,11,23,24,25].
  Les feuilles, opposées, sont pétiolées, entières, ovales, dentées et possèdent une
extrémité acuminée [
1,11,24,25].
  Les
fleurs sont petites et jaune-verdâtre [1,24,25,27]. Les fleurs des pieds mâles sont
portées en glomérules disposés en épis longuement pédonculés [
1,11,24,36]. Les fleurs
femelles, presque sessiles, sont réunies par deux ou trois à l’aisselle des feuilles [
1,11,24,36].
  Le fruit est une petite capsule (3x3mm) à deux coques hérissées de poils, disposé à
l’aisselle des feuilles des plants femelles [
1,11,23,24,25,27].

Biotope :
  Cette plante, considérée comme une adventice, est extrêmement répandue, notamment
dans les friches, les décombres, les jachères, les cultures et sur le bord des chemins
[
1,11,23,24,25,36]. Elle est nitrophile et pousse sur des sols secs, argileux ou plus ou moins
sablonneux [
11,36]. Elle est présente dans l’ensemble de l’Europe [11,25].

Période de floraison :
  Cette plante fleurit de mai à novembre [24,36].

Biologie :
  Cette espèce est originaire de la région méditerranéenne. Elle était déjà cultivée à
l’époque préhistorique. Les pieds mâles peuvent se distinguer des pieds femelles par des
caractères purement morphologiques : ils ont par exemple des feuilles nettement plus larges.
Cependant, on trouve souvent des fleurs mâles et des fleurs femelles sur le même pied. [
36]

Parties toxiques de la plante :
  Toute la plante femelle est toxique [1,3,23,24,25]. La toxicité est maximale de la
floraison à la formation des graines [
1,3,23,24,25,27]. Elle n’est que partiellement diminuée
lors de la dessiccation de la plante après coupe et séchage [
1,23,25].

Principes toxiques :

On trouve :
- Des amines : monométhylamine et triméthylamine qui fragilisent les membranes
cellulaires [
1,3,23,24,25,27,33]
- Des saponines qui fragilisent également les membranes cellulaires [1,3,23,24,25]
- De l’hermidine, substance chromogène qui, par oxydation, peut donner naissance à
la chrysohermidine, substance rouge responsable de l’éventuelle coloration des
urines et du lait [
1,3,23,24,25,27,33]. L’hermidine possèderait également une
action purgative [
23].
- Des flavonoïdes [24]
- Des substances de structure chimique non définie à activité purgative [25].

Dose toxique :
  Dose minimale mortelle par voie orale :
- 3 à 20 kg de plante fraîche pour un bovin adulte en une unique ingestion
[
1,3,23,25,27,33]
- 1 à 3 kg de plante fraîche par jour pendant quatre à six jours pour un bovin adulte
[
1,3,23,24,25,27,33]
- 0,2 à 0,3 kg de plante fraîche par jour pendant cinq à six jours pour un ovin adulte
[
11,23,24,25,33].

Circonstances d’intoxication :
  Les appels concernant la mercuriale représentent 3,6% des appels de toxicologie
végétale pour les ruminants au CNITV (4,3% des appels pour les bovins, 3,3% pour les ovins et
0,4% pour les caprins). C’est donc une intoxication fréquente chez les ruminants : il s’agit de
la quatrième cause d’appel de toxicologie végétale pour les ruminants au CNITV (avec la
fougère aigle et la morelle noire et derrière le thuya, les glands et l’if).


Graph.69. Répartition des appels concernant la mercuriale par espèce (données du CNITV : 137 appels)

  Cette intoxication affecte principalement les bovins ; les ovins et les caprins sont plus
rarement atteints [
1,25]. Sur les 137 appels concernant la mercuriale chez les ruminants, 84%
impliquent les bovins, 15% les ovins et seulement 1% les caprins.
  Les animaux s’intoxiquent en consommant des fourrages ou des ensilages fortement
contaminés par la mercuriale [
1,3,11,19,25,27]. Celle-ci est devenue partiellement, voire
totalement résistante aux herbicides du maïs (atrazine, simazine…), ce qui explique la
contamination élevée des maïs fourrages ou ensilages dans certaines régions françaises
[
25,27]. On note également des cas d’intoxication par la plante fraîche en période de disette
alimentaire et notamment lors de sécheresse [
1,3,11,25,27]. Cette plante est naturellement
peu appréciée à l’état frais par les ruminants à cause de son goût âcre mais cette âcreté
diminue lorsque des herbicides de la famille des aryloxyacides (2,4-D, 2,4,5-T…) sont utilisés
dans les pâtures où elle pousse, favorisant ainsi sa consommation [
1,23,24,25,27].


Graph.70. Répartition annuelle des appels concernant la mercuriale (données du CNITV : 137 appels)

  Cette intoxication est plus fréquente en fin d’été et à l’automne [1,23,24,25]. Les
appels au CNITV concernant la mercuriale sont majoritairement répartis d’août à novembre,
ce qui correspond à la période de floraison et donc de toxicité maximale de la plante.


Signes cliniques :
  Ils apparaissent après plusieurs jours de consommation en général (sauf si l’ingestion
est massive auquel cas ils apparaissent plus rapidement) [
1,23,24].
Forme bénigne :
- Signes généraux : abattement, diminution de la production lactée avec parfois
coloration rosée du lait [
1,3,11,19,23,24,25,27]
- Signes digestifs : anorexie, inrumination, légère météorisation, coliques, légère
constipation puis diarrhée très liquide en jet à cause de spasmes du sphincter
anal, ténesme [
1,3,11,19,23,24,25,27,33]
- Signes urinaires plus tardifs : oligurie voire anurie, strangurie avec émission
d’urines de coloration marron plus ou moins foncé [
1,3,11,19,23,24,25,27,33]

Forme grave :
  On note les mêmes signes cliniques que pour la forme bénigne avec en plus :
- Signes digestifs : météorisation importante [24,25]
- Signes cardio-vasculaires : muqueuses pâles (anémie), tachycardie modérée
[
1,11,19,23,24,25,33]
- Signes métaboliques : subictère [1,3,11,19,23,24,25,27]
- Signes locomoteurs : déplacement difficile, décubitus fréquent [1,3,24,25,27].


Graph.71. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant la mercuriale
(n=137)

  Les signes les plus fréquemment rapportés lors des appels au CNITV concernant la
mercuriale sont de l’hémoglobinurie ou de l’hématurie (67,7% des cas). La distinction n’est pas
faite entre ces deux signes paracliniques car elle n’est tout simplement pas faisable au
téléphone et sans une centrifugation des urines récoltées par le clinicien. Cependant,
l’intoxication par la mercuriale ne provoque pas d’hématurie vraie mais une pseudo-hématurie
avec une coloration rouge des urines due à la chrysohermidine et/ou une hémoglobinurie due à
l’action des amines et des saponines qui fragilisent les membranes cellulaires. Une prostration
est également fréquemment rapportée (21,2% des cas). Des signes digestifs sont souvent
signalés avec de la diarrhée dans 19% des cas, de l’anorexie dans 13,9% des cas et des
coliques dans 11,7% des cas. L’anémie et l’ictère sont notés dans respectivement 16,8 et 14,6%
des cas. Une température normale est notée dans 13,9% néanmoins de l’hyperthermie est
signalée à la même fréquence au CNITV (l’explication la plus probable semble être une
confusion entre l’intoxication par la mercuriale et la babésiose bovine par la personne ayant
contacté le CNITV).

Signes paracliniques :
  On note de l’albuminurie, de l’hémoglobinurie et de la pseudo-hématurie (la coloration
rouge des urines est liée à l’hémoglobine ou à la chrysohermidine et pas à la présence
d’hématies), une anémie macrocytaire régénérative, une lymphopénie (ou au contraire, parfois,
une lymphocytose), une neutrophilie, une éosinophilie très marquée, une augmentation de la
créatininémie et de l’urémie et une augmentation des AsAT (Aspartate Amino-Transférases)
[
1,3,11,19,23,24,25,27,33].

Evolution :
Forme bénigne :
  L’évolution est favorable en quelques jours [1,24,25]. Chez les animaux ayant survécu à
l’intoxication, on peut constater une persistance de l’éosinophilie jusqu’à deux mois après [
1].

Forme grave :
  La mort peut survenir brutalement à cause de la météorisation ou en huit à dix jours
par affaiblissement progressif [
1,3,19,24,25].

Lésions :
  On observe :
- Un ictère associé à une anémie [1,3,23,24,25,27]
- Un sang fluide et brunâtre [1,24]
- Une gastro-entérite parfois hémorragique [23,24,25,27]
- Un foie hypertrophié, congestionné et nécrotique [1,3,23,24,25,27]. L’hépatite
lésionnelle est la lésion la plus fréquemment rapportée au CNITV (12,4% des cas).
- Une congestion rénale et/ou une néphrite [3,23,24,25,27]
- Une rate friable et brun foncé [25]
- Une congestion de la vessie [1,24]
- Des suffusions pleurales et péritonéales [25]
- Une péricardite associée à un exsudat thoracique [24,27]
- Une congestion pulmonaire [25].

Diagnostic différentiel :
  L’anémie hémolytique amène à considérer la babésiose dans le diagnostic différentiel
[
1,11,24]. On devra alors tenir compte des éléments cliniques, épidémiologiques et
hématologiques pour différencier ces deux affections.
  Au niveau clinique, les animaux intoxiqués par la mercuriale sont toujours
normothermes alors que ceux atteints de babésiose présenteront une phase fébrile en début
d’évolution (durant 24 à 48 heures), tous les autres signes cliniques seront par contre
semblables [
1,11,24].
  Au niveau épidémiologique, on rappelle que l’intoxication par la mercuriale est plus
fréquente en fin d’été et à l’automne alors que la babésiose survient plutôt au printemps ou en
automne en zone endémique, après une phase de prolifération des tiques dans des prés
souvent réputés à risque. Malgré tout, des cas de babésiose ou d’intoxication par la
mercuriale peuvent survenir en dehors des périodes précitées du fait de circonstances
météorologiques ou sanitaires particulières (animal affaibli, temps propice à la prolifération
des tiques, etc.), compliquant ainsi le diagnostic différentiel.
  Il est donc nécessaire de réaliser des examens hématologiques pour distinguer ces
deux affections. Ainsi, la réalisation d’un frottis sanguin peut permettre, comme en médecine
canine, de mettre en évidence la présence de babésies dans les hématies (attention toutefois
aux erreurs par défaut en début d’évolution). Au niveau de la numération-formule, l’anémie
apparaît macrocytaire dans le cas de l’intoxication par la mercuriale alors qu’elle est
normocytaire dans le cas de la babésiose. En ce qui concerne la lignée blanche, on note une
leucocytose très importante dans le cas de l’intoxication par la mercuriale avec une
neutrophilie et une éosinophilie très marquées (associées à une lymphopénie ou au contraire à
une lymphocytose) ainsi qu’une monocytose beaucoup plus discrète. Lors de babésiose, la
leucocytose n’apparaît qu’en cas d’évolution déjà avancée, avec une neutrophilie, une
éosinophilie et une monocytose absentes ou plus discrètes que lors d’intoxication par la
mercuriale et une lymphopénie tardive. [
1]
  Le diagnostic différentiel prendra également en compte la
leptospirose,
l’hémoglobinurie bacillaire, la pyélonéphrite et l’intoxication chronique par le cuivre surtout
chez les ovins [
23].

Diagnostic expérimental:
  Il se fait par examen macroscopique voire microscopique des débris végétaux présents
dans le contenu ruminal [
1,25].

Traitement :
- Charbon végétal activé [33]
- Perfusion [1,19,23,25]
- Diurétique : furosémide [1,3,23,24,25]
- Pansements gastro-intestinaux en cas de diarrhée ou laxatifs en cas de
constipation (huile de paraffine) [
19,23,24,25,33]
- Purgatifs salins : sulfate de sodium (250 à 350g par bovin adulte) [19,23,24]
- Antispasmodiques [23]
- Stimulants de la rumination [3,23]
- Hépatoprotecteurs [23,25,27]
- Analeptiques cardio-respiratoires : heptaminol, caféine [24,25,27]
- Complément minéraux et vitaminiques : vitamine B12, vitamine C, Cu, Fe [3,24]
- Antibiothérapie préventive [24]
- Transfusion sanguine dans les cas les plus graves : elle donne d’excellents résultats
même pratiquée en fin d’évolution [
1,19,23,24,25,27,33]. Les sujets les plus
atteints peuvent être transfusés de 3 à 5 litres de sang citraté [
1,23].

Pronostic :
  Le pronostic est le plus souvent favorable sauf chez des individus affaiblis ou qui ont
ingéré une quantité élevée de la plante [
1,23,24,25]. Le pronostic serait moins bon chez les
caprins [24]. Le pronostic est sombre si l’urémie est supérieure à 3 g/l et la créatininémie
supérieure à 180 mg/l [
23].
  D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 56% chez les bovins (sur
896 bovins exposés), 23% chez les ovins (sur 1309 ovins exposés) et 100% chez les caprins
(sur 2 caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 10% chez les bovins, 11% chez les ovins
et 50% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 18% chez les bovins, 49% chez
les ovins et 50% chez les caprins.
Version : 2009