Redoul ou corroyère à feuilles de myrte
(
Coriaria myrtifolia L.)

CORIARIACEES
Photos Redoul
Bibliographie :
[11, 24, 27, 29, 33]

Noms vernaculaires :
  Corroyère , sumac de Montpellier, sumac de Provence, herbe aux tanneurs.
  Nom anglais : myrtle leaved.

Description botanique :
  Le redoul est un arbrisseau vivace atteignant 2 à 3 mètres de haut.
  La tige est dressée et quadrangulaire.
  Les feuilles sont persistantes, coriaces, opposées, sessiles ou quasiment sessiles, ovales à lancéolées.
Elles possèdent trois nervures bien marquées et atteignent 5 à 7 cm de long.
  Les fleurs apparaissent avant la formation des feuilles, elles sont regroupées en grappes à l’extrémité
de rameaux dressés ou à l’aisselle des feuilles sur les rameaux horizontaux ou pendants.
On distingue des fleurs mâles et des fleurs femelles, chacune possédant cinq pétales verdâtres.
  Les fruits sont composés de cinq carpelles noirs brillants disposés en étoile et
entourés par les pétales et les sépales cordiformes qui sont d’abord verts, puis verts rosés,
puis rouges et enfin noirs à maturité (de juin à septembre).

Biotope :
  Le redoul pousse uniquement dans le midi de la France. Il est très abondant dans le sud-ouest et l’ouest,
un peu moins en Provence et ne se rencontre quasiment pas dans le nord. Il affectionne les terrains calcaires
et peuple le bord des ruisseaux, la lisière des bois, le bord des routes et des chemins ainsi que les coteaux.

Période de floraison :
  Le redoul fleurit à partir d’avril.

Biologie
:
  Les feuilles du redoul ont été utilisées pour le tannage des peaux.

Parties toxiques de la plante :
  Toute la plante est toxique et la toxicité est maximale pendant les phases de croissance donc au
niveau des jeunes feuilles, des rejets ou des repousses vigoureuses de l’été, qui sont en plus les parties
les plus appétentes de la plante.

Principes toxiques :
  Le redoul contient de la coriamyrtine qui a des propriétés convulsivantes.
  La teneur en coriamyrtine varie selon le stade végétatif et la saison. Elle est plus importante
lors de la floraison et de la maturation des fruits, ainsi que dans les rejets. Il semblerait que
la toxicité varie également en fonction de la nature du sol où la plante pousse.

Dose toxique :
  La dose toxique n’est pas connue.

Circonstances d’intoxication :
  Les appels concernant le redoul représentent 0,4% des appels de toxicologie végétale
au CNITV pour les ruminants (moins de 0,1% des appels pour les bovins, 1,3% pour les ovins et
1,3% pour les caprins).


Graph.90. Répartition des appels concernant le redoul par espèce (données du CNITV : 15 appels)

  Cette intoxication touche principalement les caprins et les ovins (sur les 15 appels au
CNITV concernant le redoul chez les ruminants, 50% impliquent les ovins, 44% impliquent les
caprins et seulement 6% concernent les bovins). En effet, le redoul pousse sur des terrains calcaires
souvent arides qui sont valorisés par le pâturage des caprins, espèce peu exigeante du point de vue alimentaire.
De plus, les caprins, beaucoup plus que les ovins ou les bovins, sont intéressés par les jeunes pousses des arbres
et les consomment même si l’herbe est abondante. Enfin, il semblerait que les caprins soient plus sensibles
que les bovins et les ovins. Les jeunes animaux semblent également plus sensibles ainsi que ceux
qui n’ont jamais été confronté au redoul précédemment et qui sont introduits dans des
pâtures où il abonde.
  Cette intoxication intervient en période de disette lorsque l’herbe devient rare et que
le feuillage vert du redoul attire les animaux qui ne le consomment pas habituellement ou le
consomment en faible quantité.


Graph.91. Répartition annuelle des appels concernant le redoul (données du CNITV : 15 appels)

  Les appels au CNITV concernant le redoul chez les ruminants sont principalement répartis de mai à août
(ce qui peut correspondre à la consommation de jeunes pousses ou de rejets dans les pâtures).

Signes cliniques :
  Les signes cliniques apparaissent en 30 minutes à 2-3 heures.

Forme bénigne :
- Signes digestifs : ptyalisme, anorexie, inrumination, parfois météorisation, efforts
de vomissement
- Signes nerveux : hébétude, démarche raide, ataxie, tremblements, contractions
musculaires
- Signes oculaires : mydriase.

Forme grave :
  Elle se caractérise par les mêmes signes cliniques que la forme bénigne puis
apparaissent :
- Signes cardio-vasculaires : tachycardie
- Signes respiratoires : dyspnée, tachypnée
- Signes nerveux : convulsions de plus en plus intenses. Les crises convulsives durent 5 à 10 minutes
et sont entrecoupées de phases de rémission.
- Signes oculaires : myosis ou mydriase, parfois nystagmus.


Graph.92. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant le redoul (n=15)

  Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés lors des appels au CNITV
concernant le redoul sont des signes nerveux : convulsions (dans 40% des cas), ataxie et
opisthotonos (dans 26,7% des cas), hypertonie localisée (dans 20% des cas) et trémulations
musculaires (dans 13,3% des cas). On signale aussi des signes généraux (décubitus dans 20%
des cas) et des signes digestifs (hypersalivation dans 20% des cas).

Evolution :
  L’évolution est toujours rapide.
Forme bénigne :
  L’animal récupère totalement et sans séquelles en 2 à 24 heures.

Forme grave :
  La mort peut survenir en 20 minutes à 6 heures, au cours d’une crise, par arrêt respiratoire.
Des morts subites sont rapportées dans 13,3% des appels au CNITV.
  Les crises peuvent aussi s’estomper progressivement et l’animal récupère en 48 à 72
heures. Parfois, les animaux présentent de petites crises journalières pendant une
semaine puis se rétablissent.

Lésions :
  En général, aucune lésion n’est macroscopiquement visible. On note parfois la présence d’un oedème aigu
du poumon qui témoigne d’une mort rapide par détresse respiratoire. On peut également noter une congestion
généralisée et une cyanose des muqueuses.

Diagnostic différentiel :
  Il comprend :
- La tremblante chez le mouton et la chèvre : l’évolution est alors longue et l’affection se caractérise
par des tremblements généralisés, de l’ataxie puis un décubitus, ainsi que, dans certains cas, des grincements
de dents et un prurit dorsolombaire.
- La rage : elle se caractérise par des troubles du comportement, de l’agressivité et une augmentation de
l’activité génésique des mâles ou une paralysie progressive et aboutit à la mort de l’animal en 2 à 6 jours.
- La maladie de Visna : elle se caractérise par une paralysie ascendante et est toujours mortelle.
- L’entérotoxémie : si la mort ne survient pas brutalement, on peut observer des signes nerveux tels que des convulsions,
des grincements de dents, une démarche ébrieuse et un décubitus. Ces signes sont parfois accompagnés de signes digestifs.
Les lésions mises en évidence au cours de l’autopsie permettent de l’identifier facilement.
- La listériose : dans sa forme nerveuse, on peut constater de l’apathie et un port anormal de la tête,
puis une paralysie (accompagnée de phases d’excitation) qui touche d’abord les muscles de la mastication
et de la déglutition et se généralise ensuite à l’ensemble du corps.
- La nécrose du cortex cérébral : elle affecte surtout les jeunes animaux et se caractérise par de l’ataxie, une diminution
de l’acuité visuelle jusqu’à la cécité, des spasmes musculaires, des grincements de dents, un trismus, un nystagmus et un
comportement de tourner en rond ou de pousser au mur.
- La fièvre vitulaire : elle apparaît juste après la mise bas et se manifeste dans la forme éclampsique (rare) par du trismus
et des contractions violentes.
- La toxémie de gestation : elle apparaît en fin de gestation et se caractérise par de l’anorexie, de l’ataxie et de
l’amaurose. Elle évolue rapidement vers le décubitus et le coma.
- La cétose : elle est similaire à la toxémie de gestation mais apparaît après la misebas, en début de lactation.
- Diverses intoxications : intoxications par les organophosphorés, les carbamates, la strychnine, le plomb,
certaines plantes à toxicité nerveuse, etc.

Diagnostic expérimental :
  On peut procéder à l’identification macroscopique ou microscopique des débris végétaux présents dans le
contenu ruminal. On peut également doser la coriamyrtine par la réaction vératrolique (réaction colorée
basée sur la mesure de la densité optique par photocolorimétrie).

Traitement :
Le traitement est uniquement symptomatique et souvent aléatoire :
- Anticonvulsivants : diazépam (VALIUM®), barbituriques, xylazine
- Analeptiques respiratoires : doxapram.

Pronostic :
  Dans la forme grave, le taux de mortalité oscille entre 50 et 100%.
  D’après les données du CNITV, le taux de morbidité est de 100% chez les bovins (pour
1 bovin exposé), 72% chez les ovins (pour 77 ovins exposés) et 26% chez les caprins (pour 90
caprins exposés). Le taux de mortalité atteint 18% chez les ovins et 12% chez les caprins. Le
taux de létalité atteint, quant à lui, 24% chez les ovins et 48% chez les caprins.