Colza (Brassica napus L.)

BRASSICACEES
Photos Colza
Noms vernaculaires [2, 16, 24] :
Colza, Navet.
Nom anglais : napus, oilseed rape, rape.

Description botanique [8, 18, 24]:
Le colza est une plante annuelle ou bisannuelle mesurant 50 à 150 cm de hauteur.
La tige est peu poilue et en général ramifiée.
Les
feuilles sont glabres et vert glauque. Celles de la base sont pétiolées,
celles disposées le long de la tige sont alternes et embrassantes.
Les
fleurs, jaunes, mesurent 15 à 25 mm de diamètre et sont disposées en longue
grappe.
Le fruit est une silique cylindrique de 50 à 100 mm de long qui possède un mince bec
saillant. Il renferme des graines oléagineuses noirâtres.

Biotope [8, 18, 24] :
Cette plante, commune dans toute la France, est souvent cultivée mais elle peuple aussi
les terrains vagues, les friches, les bords des champs, les chemins et les fossés.

Période de floraison [18, 24] :
  Le colza fleurit de mai à août.

Biologie [24] :
  Il existe une variété de colza d’hiver et une de printemps.

Parties toxiques de la plante [2, 24, 27] :
  Toute la plante est toxique, en particulier durant la période de floraison. Les
jeunes animaux nourris avec le lait de mères intoxiquées par le colza peuvent subir les effets
antithyroïdiens de cette plante.

Principes toxiques [2, 11, 16, 24, 27, 33] :
  L’utilisation massive de colza, de chou ou d’autres plantes de la famille des
Brassicacées dans l’alimentation des ruminants peut avoir des effets antinutritionnels,
antithyroïdiens voire des effets toxiques aigus (action irritante et anémiante). En effet, ces plantes
contiennent toutes des glucosinolates (qui sont des hétérosides soufrés responsables de l’odeur forte
de ces végétaux) :
- Gluconapine et progoitrine
- Goitrine et sévénol issus de l’hydrolyse de la gluconapine et de la progoitrine
- Tanins
- S-méthyl cystéine sulfoxyde.

  On produit aujourd’hui du colza 00 qui possède une très faible teneur en acide érucique
et en glucosinolates, ce qui réduit grandement les risques d’intoxication.
  On peut également avoir une toxicité par excès d’azote lors de culture sur des sols
trop amendés ou trop enrichis en azote. On observe alors une intoxication
ammoniacale aiguë ou suraiguë plus particulièrement par temps froid ou par grande
sécheresse.

Mode d’action [2, 11, 16, 24, 27] :
- Action antithyroïdienne : lorsque les tissus de la plante sont lésés (par la
mastication par exemple), les glucosinolates sont hydroxylés. En milieu
proche de la neutralité, il se forme alors de l’isothiocyanate volatil qui peut luimême
donner de l’oxazolidone ou de l’oxazine-thione. Dans d’autres conditions,
on peut avoir formation de nitriles et d’ions thiocyanates. La goitrine (1,5-vinyl-
2-thio-oxazolidone) inhibe l’incorporation de l’iode et la formation de la thyroxine
et les ions thiocyanates captent également l’iode induisant ainsi un dysfonctionnement
thyroïdien. On peut alors observer un accroissement de la taille de la glande thyroïde
et une diminution du taux sanguin en hormones thyroïdiennes.
- Action irritante : l’isothiocyanate formé par hydroxylation de la gluconapine
(sévénol) en milieu neutre possède une action irritante sur les muqueuses.
- Action anémiante : la S-méthyl cystéine sulfoxyde (SMC0) ou le diméthyl
disulphide (issu du métabolisme du SMCO dans le rumen) provoquent chez les
ruminants une anémie hémolytique (formation de corps de Heinz dans les
érythrocytes).
- Action photosensibilisante : les nitriles formés par l’hydroxylation des
glucosinolates peuvent être responsables d’un emphysème pulmonaire, d’une perte
réversible de la fonction visuelle, de lésions rénales, ainsi que d’une nécrose
hépatique qui peut s’accompagner d’une photosensibilisation secondaire.

Dose toxique [2, 24, 27, 33] :
La dose toxique pour le colza en tant que fourrage n’est pas connue.
- La dose toxique de S-méthyl cystéine sulfoxyde est de 10 g pour 100 kg de poids
vif.
  Par contre la toxicité du tourteau de colza a été beaucoup plus étudiée. Les
quantités maximales de tourteau de colza classique absorbables sont de :
- 10 à 15% de la matière sèche pour les bovins,
- 5 à 10% de la matière sèche pour les ovins,
- Moins de 10% de la matière sèche chez les caprins.
  Des quantités bien supérieures de tourteau de colza 00 peuvent être utilisées sans
préjudice.

Circonstances d’intoxication [16, 24, 27, 33] :
  Le colza représente 2% des appels de toxicologie végétale au CNITV pour les
ruminants (2,5% des appels pour les bovins, 1,3% pour les ovins et 0,6% pour les caprins).


Graph.25. Répartition des appels concernant le colza par espèce (données du CNITV : 76 appels)

  Cette intoxication concerne principalement les bovins ainsi que les ovins et les caprins
dans une moindre mesure (sur les 76 appels au CNITV concernant le colza chez les ruminants,
86% impliquent les bovins, 10% les ovins et 4% les caprins).
  L’intoxication intervient par consommation massive ou répétée de la plante sur pied ou
d’ensilage (on réalise néanmoins rarement de l’ensilage à partir du colza car il est difficile à
conserver).
  On peut également constater des intoxications par le tourteau de colza mais celle-ci
sont devenues très rares du fait de la mise au point d’un tourteau de colza 00 (colza à très
faible teneur en acide érucique et en glucosinolates) et de la meilleure connaissance des
propriétés anti-nutritionnelles et antithyroïdiennes du colza.


Graph.26. Répartition annuelle des appels concernant le colza (données du CNITV : 76 appels)

  Les appels au CNITV concernant le colza sont répartis toute l’année mais ils sont plus
fréquents d’avril à juillet (période de floraison et de toxicité maximale de la plante) et de
septembre à décembre (qui peut correspondre à la période de distribution de l’ensilage à
l’étable et à un manque d’herbe dans les pâtures pour les mois de septembre et d’octobre).

Signes cliniques :

Forme classique [2, 24, 27, 33] :
  Elle survient deux à trois jours après la mise au pâturage :
- Signes généraux : abattement, hyperthermie, baisse de la production lactée
- Signes digestifs : anorexie, inrumination, ptyalisme, coliques, constipation,
météorisation
- Signes respiratoires : dyspnée intense, toux sèche et douloureuse, jetage
spumeux, emphysème pulmonaire
- Signes cardio-vasculaires : congestion et/ou cyanose des muqueuses
- Signes nerveux : hyperexcitation, agressivité
- Signes oculaires : cécité temporaire ou définitive, diminution ou absence du réflexe
pupillaire
- Signes urinaires (en cas d’atteinte hépatique) : hémoglobinurie
- Signes cutanés (parfois) : desquamation, emphysème sous-cutané (cervical et
lombaire)
- Troubles métaboliques (parfois) : ictère
- Troubles de la reproduction : diminution de la fertilité, avortements et
malformations foetales chez les caprins.

Intoxication ammoniacale par excès d’azote [16, 24, 27] :
- Signes généraux : abattement
- Signes
digestifs : anorexie, inrumination
- Signes nerveux : ataxie, raideur de l’arrière train, crises tétaniformes avec
convulsions cloniques.

Intoxication par l’ensilage [27] :
Elle est très rare :
Signes généraux : abattement, prostration
Signes digestifs : diarrhée nauséabonde, coliques violentes
Signes nerveux (plus tardifs) : ataxie, amaurose.

Intoxication par le tourteau [2, 24, 27] :
  Les propriétés anti-nutritionnelles du colza se manifestent lorsque la quantité
absorbée dépasse 10% de la matière sèche chez les ruminants :
- Signes digestifs : diminution de l’appétit, hypersalivation, soif et diarrhée.
Les propriétés
antithyroïdiennes se manifestent quant à elles par :
- Des signes généraux : abattement, faiblesse et baisse de la production lactée
chez les adultes.
- Des troubles métaboliques : nanisme disharmonieux et hypoglycémie chez le jeune.


Graph.27. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant le colza (n=76)

  Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés au CNITV évoquent un tableau
clinique à la fois général, digestif et respiratoire avec une prostration dans 11,8% des cas, de
la diarrhée dans 10,5% des cas et une dyspnée dans 9,2% des cas.

Evolution [24, 27] :

Forme classique :
  La mort peut survenir en 2 à 3 jours par asphyxie.

Intoxication ammoniacale :
  Lors d’intoxication ammoniacale suraiguë, la mort peut intervenir en quelques minutes
(des cas de mort subite sont rapportés dans 11,8% des cas au CNITV). En cas
d’intoxication aiguë, la mort survient en quelques heures à quelques jours.

Lésions [2, 16, 24, 27] :

Forme classique :
- Congestion et oedème pulmonaires
- Parfois dégénérescence et nécrose hépatique (atteinte hépatique par les nitrites)

Intoxication ammoniacale :
  On peut noter une dégénérescence et une nécrose hépatique.

Intoxication par l’ensilage :
  On peut constater la présence d’une gastro-entérite.

Intoxication par le tourteau :
- Gastro-entérite
- Hypertrophie du foie, des reins et des thyroïdes.

Diagnostic différentiel :
  Le diagnostic différentiel prendra en compte les affections et les intoxications
responsables de troubles généraux, digestifs et respiratoires, ainsi que l’intoxication par les
plantes photosensibilisantes.

Diagnostic expérimental :
  Il consiste en l’examen macroscopique ou microscopique du contenu ruminal. L’examen
de la ration distribuée aux animaux peut également s’avérer nécessaire si on suspecte une
intoxication ammoniacale (due à un déséquilibre de la ration).

Traitement [16, 24, 27] :

Forme classique :
  Après arrêt immédiat de la distribution d’aliment (ou changement de pâture) et la mise
de l’animal à l’ombre (pour prévenir les lésions de photosensibilisation), on pourra préconiser l’utilisation de :
- Charbon végétal activé
- Laxatifs
- Analeptiques cardio-respiratoires : doxapram, caféine
- Hépatoprotecteurs (arginine)
- Antibiothérapie si complications bactériennes.

Intoxication ammoniacale :
En dehors de l’arrêt immédiat de la distribution d’aliment, le traitement médical est
purement
symptomatique :
- Perfusion (gluconate de calcium et de magnésium)
- Acidification du rumen (utilisation de vinaigre par exemple)
- Analeptiques cardio-respiratoires : doxapram, caféine
- Neuroleptiques, myorelaxants
- Hépatoprotecteurs (arginine)
- Antibiothérapie si complications bactériennes.
  On privilégiera la prévention de ce type d’incidents en réalisant des transitions
alimentaires progressives, en limitant la part de colza dans la ration, en distribuant un
complément cellulosique dans la ration (paille ou foin) et en limitant l’apport azoté au niveau
des sols.

Intoxication par l’ensilage :
  Le traitement est uniquement symptomatique.

Intoxication par le tourteau :
  Le traitement consiste à rééquilibrer la ration en diminuant l’apport de tourteau de
colza et en utilisant du colza 00. On peut également administrer des hépatoprotecteurs (arginine).

Pronostic [24] :
  D’après les données du CNITV, le taux de morbidité est de 63% chez les bovins (pour
364 bovins exposés), 29% chez les ovins (pour 43 ovins exposés) et 100% chez les caprins
(pour 2 caprins exposés). Le taux de mortalité atteint 17% chez les bovins, 22% chez les ovins
et 100% chez les caprins. Le taux de létalité atteint, quant à lui, 27% chez les bovins, 76%
chez les ovins et 100% chez les caprins.

Forme classique et intoxication ammoniacale :
  Le pronostic est réservé et le taux de mortalité est de 5 à 35%. Les séquelles
sont importantes lorsque les troubles respiratoires sont présents, on conseillera donc
l’abattage des animaux atteints.

Intoxication par le tourteau :
  Le pronostic est bon si on arrête de distribuer du tourteau de colza en excès mais les
pertes économiques dues à l’intoxication peuvent être importantes.