Digitale pourpre (Digitalis purpurea L.)

SCROPHULARIACEES
Photos digitale pourpre
Noms vernaculaires [2, 16, 17, 24, 33, 36] :
  Doigts de la Vierge, doigtier de Notre-Dame, dé de Notre-Dame,
gant de Notre-Dame, gant de bergère, gantelet, gantelée, gantière, gantillier,
digitale pourprée, digitale rouge, digitale commune,
grande digitale, pétereau, péterolle, pétard, pavée, gobe-mouches, claquet,
clochette, gueule de loup, queue de loup, tocard.
  Nom anglais : foxglove, purple fox glove.

Description botanique [2, 11, 16, 18, 24, 32, 36]:
  La digitale est une plante érigée et poilue, bisannuelle, atteignant 40 à 200 cm de
hauteur.
  La
tige est dressée, robuste, creuse et peu ou pas ramifiée. Elle n’apparaît que la deuxième année
de développement de la plante.
  Les
feuilles peuvent mesurer jusqu’à 40 cm de long, elles sont ovales à lancéolées,
crénelées, verte sur leur face supérieure et blanches cotonneuses sur leur face inférieure. Celles de la base sont
pétiolées et disposées en rosette, elles constituent la seule partie présente la première année de développement
de la plante.
  Les feuilles caulinaires sont alternes, pétiolées pour les inférieures (pétiole ailé) et presque
sessiles pour les supérieures (qui sont de petite taille) [11,16,18,24,36].
  Les
fleurs sont pendantes, campanulées et irrégulières, roses ou pourpres, ponctuées
ou auréolées de plus sombre (ces taches étant elles-mêmes cernées de blanc), ou parfois
entièrement blanches [2,11,16,18,24,32,36]. Elles mesurent 10 à 55 mm de long et sont
disposées en une longue grappe unilatérale [2,11,16,18,32,36].
  Le calice, divisé en pointes courtes et acérées, persiste après la floraison et entoure le
fruit [11]. Ce dernier est une capsule biloculaire qui libère de nombreuses et minuscules
graines jaune pâle par déhiscence septicide [2,11,16,18,24].

Biotope [2, 11, 16, 30, 32, 36] :
  Cette plante est répandue en France (jusqu’à 1500 mètres) mais manque au niveau du
pourtour méditerranéen et dans une partie du sud-ouest. Elle affectionne les sols
pauvres en calcaire, siliceux, sablonneux et acides. On la rencontre surtout en
forêt au niveau des coupes, des chemins et des clairières, mais aussi au niveau des landes, des
berges des rivières, des haies et des broussailles. Cette plante est également
utilisée à titre ornemental dans les jardins et est cultivée pour ses propriétés médicinales.

Période de floraison [16, 18, 24, 32, 36] :
  La digitale fleurit de juin à septembre.

Parties toxiques de la plante [2, 24, 27, 36] :
  Toute la plante est toxique, en particulier les feuilles [2,24,27,36]. Elle conserve sa
toxicité après dessiccation [2,24,27]. La consommation d’eau dans laquelle les feuilles de
digitale ont macérées peut également être une source d’intoxication [2].

Principes toxiques [2, 11, 24, 27] :
  La digitale contient des hétérosides cardiotoniques (0,1 à 0,3% dans les feuilles) :
- Digitoxine qui est l’hétéroside majoritaire
- Digoxine
- Gitoxigénine
- Gitaloxigénine
- Digitonine
- Digitaléine
- Digitoxoside
- Gitoxoside
- Purpureaglucoside A qui donne après dessiccation la digitoxine.
  Elle contient également des composés stéroïdiques, digitanols-hétérosides et
saponosides (digitonoside, gitonoside et digonoside ou digonine), qui ont des propriétés
tensioactives pouvant influencer l’absorption intestinale des hétérosides cardiotoniques.

Mode d’action [2, 26] :
  Les hétérosides digitaliques inhibent les pompes Na+/K+ ATPase dépendantes au niveau
des cellules myocardiques (ces pompes permettent la sortie de trois ions sodium contre
l’entrée de deux ions potassium dans la cellule).
  On obtient ainsi un accroissement du taux intracellulaire de sodium entraînant
secondairement un accroissement du taux intracellulaire de calcium et une diminution du taux
intracellulaire de sodium (échange transmembranaire du sodium intracellulaire avec du calcium
extracellulaire) responsable de l’augmentation de la contractilité des fibres myocardiques
(effet inotrope positif bien connu des digitaliques).
  On observe également un accroissement du taux de potassium extracellulaire,
responsable d’arythmies (augmentation de l’excitabilité des cellules myocardiques par
diminution de leur potentiel de repos).
  De plus, ces hétérosides ont une action chronotrope négative (action vagale) qui se
traduit par une bradycardie.
  Ils possèdent également un effet hypertenseur par augmentation de la résistance
vasculaire périphérique (action sur les muscles lisses).
  Enfin, ils ont un effet diurétique (principalement secondaire à leur effet inotrope
positif), une action centrale directe de stimulation de l’area postrema induisant des
vomissements, un pouvoir irritant sur les muqueuses digestives responsable de l’apparition de
diarrhée, une action sur les cellules musculaires (trémulations voire convulsions liée à
l’hyperexcitabilité des cellules) et une action sur le système nerveux (somnolence, faiblesse,
altération de la vision, anorexie, nausée, hallucinations, délire) liée à l’action sur les pompes à
sodium des cellules nerveuses.

Dose toxique [24, 27, 33] :
  La dose létale est de :
- 160 à 200 grammes de feuilles fraîches chez les bovins
- 25 à 30 grammes de feuilles fraîches chez les ovins.

Circonstances d’intoxication [11, 16, 24, 27, 33] :
  Les appels au CNITV concernant la digitale représentent 0,5% des appels de
toxicologie végétale pour les ruminants (0,6% des appels pour les bovins, 0,2% pour les ovins
et 0,8% pour les caprins).


Graph.37. Répartition des appels concernant la digitale par espèce (données du CNITV : 20 appels)


  Cette intoxication concerne principalement les bovins, ainsi que les ovins et les caprins
dans une moindre mesure (sur les 20 appels au CNITV concernant la digitale chez les
ruminants, 75% impliquent les bovins et respectivement 5% et 20% impliquent les ovins et les
caprins).
  La plante fraîche apparaît peu appétente pour les ruminants (elle possède un goût
amer), ce mode d’intoxication est donc rare. Par contre, l’intoxication par
ingestion de fourrages contaminés est plus fréquente.


Graph.38. Répartition annuelle des appels concernant la digitale (données du CNITV : 20 appels)


  Les appels concernant la digitale sont majoritairement répartis d’avril à août avec un
maximum d’appels en juin et en juillet ce qui correspond à la période de floraison de la plante.
  On observe également quelques appels en janvier en en février pouvant correspondre à la
période de distribution hivernale de fourrages contaminés.

Signes cliniques [2, 24, 27, 33] :
  Quelques heures après ingestion, on peut observer :
- Des signes généraux : abattement, hyperthermie puis hypothermie
- Des signes digestifs (précoces et souvent les seuls observés en cas d’intoxication
légère) : anorexie, ptyalisme, coliques, diarrhée
- Des signes nerveux : ataxie, tremblements, paralysie et coma dans les phases
terminales
- Des signes cardio-vasculaires (tardifs ou lors d’intoxication grave) : bradycardie,
arythmie, pouls d’abord lent et fort puis rapide, irrégulier et filant, extrémités
froides, hypotension
- Des signes respiratoires : dyspnée
- Des signes oculaires : mydriase
- Des signes urinaires : dysurie, urine foncée (albuminurie et hématurie).


Graph.39. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant la digitale (n=20)


  Le tableau clinique décrit lors des appels au CNITV concernant la digitale comprend
majoritairement des signes généraux (prostration dans 20% des cas et décubitus dans 15%
des cas), digestifs (diarrhée dans 20% des cas et coliques dans 10% des cas), cardiovasculaires
(bradycardie dans 20% des cas) et nerveux (posture anormale et ataxie dans 10%
des cas). Par rapport aux données de la bibliographie, il est également rapporté des
avortements dans 10% des cas.

Signes paracliniques [27, 33] :
  On peut noter de l’albuminurie et de l’hématurie.

Evolution [11, 24, 27] :
  L’intoxication évolue en général sur plusieurs jours et la convalescence est longue. La mort
est possible par arrêt cardiaque. Des cas de mort subite sontsignalés dans 30% des appels au CNITV.

Lésions [2, 24, 27] :
  On peut observer :
- Une congestion généralisée
- Des hémorragies liées à l’agonie sont fréquemment observée au niveau du coeur, des
séreuses et des muqueuses
- Une dilatation des oreillettes (avec parfois une nécrose) et une contraction des
ventricules
- Une entérite légère à modérée.
Une néphrite est rapportée dans 10% des cas au CNITV.

Diagnostic différentiel :
  Il prendra en compte l’intoxication par le laurier rose et les autres intoxications ou
affections responsable de troubles digestifs, nerveux et cardiaques.

Diagnostic expérimental [11] :
  On pourra procéder à l’examen macroscopique voire microscopique du contenu ruminal.
On peut également doser les hétérosides cardiotoniques dans le sérum ou différents
tissus par chromatographie sur couche mince et spectrofluorimétrie ou par radio-immunologie.

Traitement [16, 24, 27, 33] :
  On peut proposer une ruminotomie d’urgence et une vidange du rumen avant l’apparition
des signes cliniques.
  Le traitement médical est quant à lui purement symptomatique :
- Repos absolu
- Charbon végétal activé
- Purgatifs doux : mucilages de graines de lin
- Perfusion (ne pas administrer de sels de calcium) : glucose
- Pansements digestifs pour lutter contre la diarrhée
- Antispasmodiques pour lutter contre les coliques
- Atropine pour lutter contre la bradycardie (0,05 à 0,1 mg/kg, 1/4 IV et 3/4 SC)
- Xylazine en cas de troubles nerveux
- Tanins.

Pronostic [24] :
  Le pronostic est réservé.
  D’après les données du CNITV, le taux de morbidité est de 22% chez les bovins (pour
94 bovins exposés), 100% chez les ovins (pour 1 ovins exposés) et 100% chez les caprins (pour
2 caprins exposés). Le taux de mortalité atteint 13% chez les bovins et 50% chez les caprins,
il est nul chez les ovins. Le taux de létalité atteint, quant à lui, 57% chez les bovins et 50%
chez les caprins, il est nul chez les ovins.

Utilisations pharmaceutiques [11, 36] :
  La feuille de D. purpurea fait l’objet d’une monographie dans la 10ième édition de la
pharmacopée française.
  On extrait des feuilles de la digitale (D. purpurea et D. lanata) des hétérosides
digitaliques (digitoxine et digoxine) qui sont aujourd’hui encore utilisés dans le traitement de
l’insuffisance cardiaque à bas débit et dans certains troubles du rythme supraventriculaire.